Les tensions de guerre montent entre l’Inde et le Pakistan après une attaque terroriste au Cachemire

Les relations entre l'Inde et le Pakistan, puissances nucléaires rivales de l'Asie du Sud, sont à couteaux tirés depuis que New Delhi s'est empressée de déclarer le Pakistan responsable de l'attaque terroriste perpétrée mardi dernier dans le Cachemire sous contrôle indien.

Mercredi, le gouvernement indien du Bharatiya Janata Party (BJP), un parti suprématiste hindou, a annoncé de vastes mesures de « représailles » à l'encontre du Pakistan, notamment l'expulsion de tous les ressortissants pakistanais en Inde, à l'exception d'un petit corps de diplomates, et la suspension du traité sur l'eau de l'Indus.

Utilisant un langage belliqueux proche de celui du premier ministre israélien Benjamin Nétanyahou, le premier ministre indien et dictateur en puissance hindou Narendra Modi a juré que l'Inde « briserait les reins des maîtres de la terreur » et « réduirait en poussière ce qui reste de la terre des terroristes ». Le gouvernement indien dénonce depuis longtemps son grand rival, le Pakistan, comme étant le principal « État terroriste » du monde.

Ces derniers jours, les deux parties ont échangé à plusieurs reprises des coups de feu et des tirs d'artillerie de part et d'autre de la ligne de contrôle (LOC) qui délimite le Jammu-et-Cachemire (J&K), tenu par l'Inde, de l'Azad Cachemire, contrôlé par le Pakistan. Bien qu'aucune victime n'ait été signalée à ce jour, les habitants des deux côtés de la ligne de contrôle craignent, à juste titre, ce que les jours à venir leur réservent. Selon The Hindu, « de nombreux habitants de R.S. Pora (J&K), proche de la frontière internationale, ont été vus en train de nettoyer des bunkers souterrains » afin d'être prêts à se mettre à l'abri « en cas d'urgence ».

Le 22 avril, vingt-six touristes, tous de nationalité indienne sauf un, ont été tués et des dizaines d'autres blessés lors d'une attaque de type commando près de Pahalgam, dans la pittoresque vallée de Baisaran. Les autorités indiennes ont déclaré que le Front de résistance, un groupe islamiste formé en réponse à l'abrogation par le gouvernement Modi, en 2019, du statut spécial d'autonomie du J&K au sein de l'Inde, avait revendiqué la responsabilité de l'attaque. Le gouvernement indien accuse le Front de résistance d'être une ramification du Lashkar-e-Taiba (LeT), une organisation terroriste islamiste qui a déjà reçu le soutien de certaines sections de l'appareil de renseignement militaire pakistanais.

Prenant prétexte de l'attaque terroriste de mardi dernier, le gouvernement du BJP a lancé une vaste campagne de répression militaire avec des opérations de recherche de jour comme de nuit dans tout le Jammu-et-Cachemire. Dans le cadre de cette répression, six maisons de « militants présumés » ont été détruites par des explosions menées par les forces militaires indiennes. Plus de 100 résidences de « partisans présumés de militants » ont été fouillées et des centaines de personnes ont été arrêtées.

Le père de Zakir Ahmad Ganai, un jeune homme de 29 ans originaire du village de Matalhama, dans le district de Kulgam, s'est entretenu avec le Hindu après que la maison familiale a été rasée. « Nous sommes innocents », a-t-il déclaré. « Cela n'aurait pas dû nous arriver. » Le père a déclaré que son fils avait disparu le 27 septembre 2023 et qu'il n'était jamais rentré chez lui. La famille Ganai a ensuite déposé un avis de disparition auprès de la police. « Nous ne savons pas s'il est vivant ou non. »

Dans de nombreuses régions du J&K – le seul État ou territoire de l'Union à majorité musulmane de l'Inde continentale – les forces de sécurité indiennes infligent des châtiments collectifs à la population, en particulier dans les villages ou les quartiers d'où sont originaires les suspects présumés. À Srinagar, la capitale d'été du Cachemire indien, selon une estimation non officielle, environ 1500 jeunes de la région ont été interrogés ou détenus depuis l'attaque terroriste du 22 avril à Pahalgam. L'explosion contrôlée des maisons des terroristes accusés a causé des fissures dans les murs et des vitres brisées dans les habitations adjacentes. Mehbooba Mufti, ancienne ministre en chef du Jammu-et-Cachemire et ancienne alliée du BJP, a été contrainte de critiquer la répression, déclarant que les forces de sécurité devaient faire la distinction entre les terroristes et les civils.

Les partis d'opposition et les médias indiens aident le gouvernement du BJP à attiser la fièvre de la guerre, le chauvinisme indien et le communautarisme antimusulman.

Une réunion multipartite convoquée jeudi par le principal homme de main de Modi, le ministre de l'intérieur Amit Shah, et le ministre de la défense Rajnath Singh, et à laquelle ont participé des représentants de pratiquement tous les partis, a convenu, selon le chef du parti du Congrès Rahul Gandhi, de soutenir pleinement « toute action » que le gouvernement pourrait prendre.

De la fumée s'élève après une explosion lors d'un exercice aérien appelé « Vayu Shakti-2019 », ou puissance aérienne, à Pokhran, dans l'État du Rajasthan, dans l'ouest de l'Inde, samedi 16 février 2019. [AP Photo/Manish Swarup]

De nombreuses voix dans les médias appellent le gouvernement Modi à lancer une action militaire plus « musclée » contre le Pakistan que les frappes transfrontalières illégales qu'il a menées avec le soutien de Washington en 2016 et 2019. « Si le premier ministre déclare la guerre au Pakistan, il aura tout le pays derrière lui », a écrit Tavleen Singh, chroniqueuse de longue date de l'Indian Express. « S'il ne fait rien, il perdra le soutien de tout le monde. »

Des centaines d'étudiants cachemiriens qui faisaient des études universitaires dans d'autres États ont été contraints de rentrer au Cachemire, en raison d'une campagne de harcèlement sauvage lancée par le BJP et ses alliés suprématistes hindous d'extrême droite.

Le gouvernement a réagi nerveusement à tous ceux qui osent contester sa version de l'attaque. Aminul Islam, membre de l'assemblée législative de l'État d'Assam appartenant au All India United Democratic Front (AIUDF), est l'une des 19 personnes arrêtées dans les États du nord-est de l'Inde pour avoir tenu des propos « séditieux » au sujet de l'attaque terroriste de Pahalgam.

M. Islam a laissé entendre que cette attaque et celui de Pulwama en 2019 pourraient avoir été facilités par une « conspiration » des hauts dirigeants du BJP, afin de les utiliser pour faire basculer l'opinion publique derrière le gouvernement. Il a fait remarquer que les autorités n'ont toujours pas expliqué les lacunes en matière de sécurité qui ont permis à 42 membres du personnel de sécurité indien d'être tués lors de l'attaque terroriste de Pulwama, qui, selon lui, a été exploitée par le BJP pour « polariser communautairement » les électeurs hindous et musulmans afin de remporter les élections de 2019 à la Lok Sabha.

La mesure de représailles publiques la plus provocante prise par New Delhi à ce jour est la suspension de la participation de l'Inde au traité sur les eaux de l'Indus (IWR). Ce traité, entré en vigueur en 1960, fournit un cadre juridique pour le partage des eaux du système fluvial de l'Indus, garantissant aux deux pays des droits clairement définis.

Aujourd'hui, plus de 80 % de l'agriculture pakistanaise et environ un tiers de sa production d'énergie hydroélectrique dépendent des eaux du bassin de l'Indus. En raison de son importance, New Delhi n'a jamais suspendu le traité, bien qu'elle ait mené deux guerres déclarées, plusieurs guerres non déclarées et d'innombrables escarmouches frontalières avec le Pakistan au cours des 65 dernières années.

Même si l'Inde n'a pas actuellement la capacité d'empêcher d'importants volumes d'eau d'atteindre le Pakistan, elle s'est arrogé, avec la suspension du traité, le pouvoir de perturber les flux d'eau, y compris pendant la saison des semailles en cours, et de dissimuler des informations vitales à leur sujet.

Le Pakistan a répondu aux provocations de New Delhi par ses propres actions. Il a notamment fermé son espace aérien aux compagnies indiennes, interrompu tout commerce avec l'Inde, ordonné à tous les ressortissants indiens de quitter le pays et suspendu l'accord de Simla de 1972. Signé au lendemain de la guerre indo-pakistanaise de 1971, l'accord de Simla a établi la LOC comme frontière entre le J&K et l'Azad Cachemire, dans l'attente d'une résolution des revendications rivales des deux pays sur l'ensemble du Cachemire.

À la suite d'une réunion du Conseil national de sécurité la semaine dernière, le Pakistan a déclaré que ses forces armées étaient « pleinement capables et prêtes à défendre la souveraineté et l'intégrité territoriale [du Pakistan] contre toute action imprudente », en référence à sa réponse aux frappes de l'armée de l'air indienne sur Balakot en février 2019, qui ont conduit les deux pays au bord d'une guerre totale.

Réagissant à cette annonce, Bilawal Bhutto Zardari, président du Parti du peuple pakistanais et ancien ministre des affaires étrangères du Pakistan, a déclaré lors d'un rassemblement public : « L'Indus est à nous et restera à nous. Soit notre eau y coulera, soit leur sang. »

Comme l'a précédemment expliqué le WSWS, « le conflit indo-pakistanais est un conflit réactionnaire entre États capitalistes rivaux, qui trouve son origine dans la partition communautaire de 1947 de l'Asie du Sud entre un Pakistan ouvertement musulman et une Inde hindoue. [...] Les bourgeoisies indienne et pakistanaise ont foulé aux pieds les droits démocratiques du peuple cachemirien. New Delhi a brutalement réprimé les manifestations de masse qui avaient éclaté en 1989 en réponse à la fraude électorale au Jammu-et-Cachemire, le seul État indien à majorité musulmane. Cela a déclenché une insurrection que le Pakistan a manipulée pour promouvoir ses propres intérêts réactionnaires en redéployant et en élargissant le réseau de milices islamistes qu'il avait développé à la demande de l'impérialisme américain pour combattre le gouvernement soutenu par les Soviétiques en Afghanistan ».

De gauche à droite : Le premier ministre australien Anthony Albanese, le président américain Joe Biden, le premier ministre indien Narendra Modi et le premier ministre japonais Fumio Kishida lors du sommet des dirigeants de la Quadrilatérale au palais Kantei, mardi 24 mai 2022, à Tokyo.

Depuis le début du siècle, le conflit entre l'Inde et le Pakistan est de plus en plus étroitement lié à celui qui oppose l'impérialisme américain à la Chine, ce qui leur confère une dimension nouvelle et hautement explosive. Washington a accordé à New Delhi des faveurs stratégiques, notamment des armes de pointe, l'accès à la technologie nucléaire civile et l'échange de renseignements militaires en temps réel, en échange de l'intégration toujours plus poussée de l'Inde dans son offensive militaro-stratégique contre la Chine. Forte de ce soutien, l'Inde de Modi s'est employée à redéfinir ses relations avec le Pakistan afin de s'affirmer comme la puissance hégémonique de la région. Le Pakistan, quant à lui, a renforcé son partenariat « toutes conditions » avec Pékin, ce qui a eu pour effet de contrarier davantage New Delhi et Washington.

En réponse aux menaces de guerre émanant de l'Inde et conscient que Washington a encouragé à plusieurs reprises New Delhi à adopter une attitude plus belliqueuse dans ses relations avec la Chine et le Pakistan, Pékin a réaffirmé son alliance avec Islamabad.

À la suite d'un entretien dimanche avec le ministre pakistanais des affaires étrangères, le ministre chinois des affaires étrangères, Wang Yi, a publié une déclaration appelant à la retenue et demandant une enquête internationale impartiale sur l'attaque de Pahalgram du 22 avril. « La Chine, a déclaré M.Wang, a toujours soutenu le Pakistan dans ses actions résolues de lutte contre le terrorisme. En tant qu'ami fidèle et partenaire stratégique sous toutes conditions, la Chine comprend parfaitement les préoccupations raisonnables du Pakistan en matière de sécurité et l'aide à sauvegarder sa souveraineté et ses intérêts en matière de sécurité.

Le vice-président américain J.D. Vance se trouvait en Inde au moment de l'attaque de Pahalgram, dans le cadre des efforts de l'administration Trump pour renforcer davantage ce que les administrations successives depuis celle de George W. Bush ont appelé le « partenariat stratégique global » des États-Unis avec l'Inde. La prochaine réunion des chefs de gouvernement du QUAD, l'alliance quasi-militaire et de sécurité entre New Delhi, Washington et ses principaux alliés de l'Asie-Pacifique, le Japon et l'Australie, doit avoir lieu en Inde dans le courant de l'année.

En public, Washington n'a pratiquement rien dit sur la menace d'un affrontement imminent entre l'Inde et le Pakistan, qui pourrait rapidement se transformer en un conflit total entre des États dotés de l'arme nucléaire et impliquer d'autres puissances mondiales. En coulisses, l'Inde exigera certainement que Washington soutienne son « droit » à des « frappes antiterroristes de représailles », comme Obama l'a fait en 2016 et comme Trump l'a fait pendant son premier mandat en 2019.

Vendredi, en route vers Rome pour les funérailles du pape, Trump a tenu des propos ignorants et réactionnaires sur le conflit indo-pakistanais, tout en affirmant qu'ils « s'en sortiront d'une manière ou d'une autre ». « Je suis très proche de l'Inde et je suis très proche du Pakistan », a déclaré le président américain. « Cela fait mille ans qu'ils se battent au Cachemire. Le Cachemire existe depuis 1000 ans, et probablement depuis plus longtemps que cela. »

Il s'agit là d'une déformation grossière, imprégnée de la fabrication colonialiste britannique et suprématiste hindoue de l'histoire. Il n'est pas surprenant que cette déclaration ait été immédiatement saluée par l'extrême droite hindoue, le United Hindu Council applaudissant le président américain fasciste et ignorant pour avoir « fait allusion à une histoire beaucoup plus profonde [...] les failles religieuses séculaires causées par l'extrémisme islamiste ».

Le danger de guerre grandissant en Asie du Sud est une révélation dévastatrice du caractère vénal de la bourgeoisie nationale dans les pays au développement capitaliste tardif et de la nature réactionnaire du système d'État-nation post-colonial, créé par la « décolonisation ».

Surtout, il souligne l'urgence pour les travailleurs de l'Inde et du Pakistan de s'opposer à leurs propres gouvernements, de forger leur unité de classe contre les inégalités sociales, le communautarisme et la guerre, et de rejoindre les travailleurs d'Amérique du Nord, de Chine et du monde entier dans un mouvement anti-guerre international fondé sur l'éradication du capitalisme – la cause première de la guerre – par le biais d'une révolution socialiste.

(Article paru en anglais le 27 avril 2025)

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