Quelles conclusions tirer de l’appel du chef d’état-major à sacrifier les enfants français à la guerre?

Le discours sanguinaire du chef d’état-major français, le général Fabien Mandon, a crûment exposé le contenu de la militarisation menée par la classe dirigeante en France et à travers l’Europe.

Le chef d'état-major des Armées français, le général Fabien Mandon, à l'Élysée le 17 novembre 2025. Crédit : Ludovic MARIN / AFP

Macron gouverne contre le peuple, sabrant les retraites et la santé afin de réarmer la France pour une guerre dévastatrice. Les banquiers et les officers qui contrôlent le pays s’attendent à des conflits qui faucheraient des générations entières. En effet, Mandon s’est exprimé avec un mépris flagrant pour les vies de ses concitoyens qui rappelle les généraux de la Première Guerre mondiale, qui eux sacrifiaient des millions de vies dans les tranchées pour d’infimes gains de terrain.

Dans un discours adressé à des maires de France, Mandon a d’abord avoué que la Russie, pays de 143 millions d’habitants et d’un produit intérieur brut de 2,2 billions de dollars, ne peut pas conquérir l’Europe, qui a trois fois la population et une économie sept fois plus grande. Il a dit: «On a tout le savoir, toute la force économique et démographique pour dissuader le régime de Moscou.»

Néanmoins, Mandon a déclaré que la France doit accepter de vastes pertes humaines et économiques afin de bâtir une économie de guerre et intensifier la guerre contre la Russie.

Il a appelé les maires à faire de la propagande pour ce type de sacrifice de la vie et des droits sociaux de la population: «Ce qu’il nous manque, et c’est là où vous avez un rôle majeur, c’est la force d’âme pour accepter de nous faire mal pour protéger ce que l’on est … Si notre pays flanche parce qu’il n’est pas prêt à accepter de perdre ses enfants, parce qu’il faut dire les choses, de souffrir économiquement parce que les priorités iront à de la production défense, alors on est en risque».

Ce discours souligne la nécessité urgente pour la classe ouvrière française, européenne et internationale de construire un mouvement contre la guerre impérialiste. Un conflit inconciliable émerge entre l’oligarchie capitaliste et les travailleurs, qui rejettent l’envoi de troupes françaises contre la Russie voulu par Macron comme sa politique d’austérité. Mais pour la classe dirigeante, les retraites, la santé, l’éducation et l’assurance-chômage des Français doivent passer à la trappe, réduisant les travailleurs à la pauvreté avant de les envoyer mourir sur le front.

Sur fond de crise mondiale du capitalisme, avec la politique de guerre commerciale menée par Washington et l’ascension économique spectaculaire de la Chine, les puissances impérialistes européennes comptent avancer leurs intérêts par la guerre et le pillage.

Derrière l’idée folle d’une guerre contre la Russie, que Mandon a prévu dans un autre discours d’ici trois ou quatre ans, se trouve la poussée des puissances impérialistes européennes pour s’armer et s’emparer des richesses pétrolières et minières de la Russie. Cette ambition, que nourissent de multiples dirigeants européens, s’est trouvée explicitée en 2024 par le président polonais de l’époque, Andrzej Duda. Celui-ci a déclaré qu'il n'y a «plus de place» pour la Russie dans le monde moderne et a appelé à la découper en 200 mini-États que dominerait l'impérialisme:

On appelle souvent la Russie la prison des nations, et pour cause. Elle abrite plus de 200 ethnies, dont la plupart sont devenus des résidents de Russie grâce aux méthodes utilisées en Ukraine aujourd'hui. La Russie est à présent le plus grand empire colonial du monde, qui, à la différence des pays européens, n'a jamais subi le processus de décolonisation, et n'a jamais pu faire face aux démons de son passé. Il n'y a plus de place pour le colonialisme dans le monde moderne.

Si Mandon appelle à présent le peuple français à «accepter de perdre ses enfants», c’est en effet que cette guerre, que l’OTAN comptait mener au départ avec de la chair à canon purement ukrainienne, n’a pas eu les résultats escomptés. Face aux pertes catastrophiques subies par l’armée ukrainienne et le refus des pays européens de négocier un accord de paix avec Moscou, les stratèges impérialistes veulent mettre leurs propres populations à contribution.

Dire que la guerre impérialiste est l’oligarchie capitaliste envoyer les travailleurs mourir pour leurs profits n’est pas une vieille rengaine ringardiséee, mais une définition marxiste scientifique de la situation à laquelle sont confrontés les travailleurs en France et à travers l’Europe.

Pour bâtir un mouvement antiguerre et empêcher des massacres encore plus larges, toutefois, les travailleurs et les jeunes devront rompre avec Mélenchon et son Nouveau Front Populaire avec le PS, le PCF et les Verts. La réaction de Mélenchon au discours de Mandon n’a fait qu’illustrer son cynisme et sa faillite politique.

Plutôt que d’utiliser les commentaires de Mandon pour alerter les travailleurs quant aux dangers qui pèsent sur eux, et les appeler à se mobiliser contre le danger de guerre, Mélenchon a critiqué Mandon au motif qu’il aurait outrepassé son rôle en révélant la politique du gouvernement.

«Je veux exprimer un désaccord total avec le discours du chef d’État-major des armées. Ce n’est pas à lui d’aller inviter les maires ni qui que ce soit à des préparations guerrières décidées par personne», a tweeté Mélenchon. Se posant en partisan responsable de la diplomatie, Mélenchon a ajouté qu’une guerre directe avec la Russie serait «la conséquence de nos échecs diplomatiques».

«Un chef d’état-major des Armées ne devrait pas dire ça», a écrit le groupe parlementaire de son parti, la France insoumise (LFI). Selon eux, «ces déclarations interviennent après d’autres prises de position expliquant que la France devait se tenir prête à un possible affrontement avec la Russie d’ici quatre ou cinq ans. En répétant publiquement ces scénarios de guerre et en les dramatisant jusqu’à évoquer la perte d’enfants, (Mandon) outrepasse son rôle. De tels propos ne relèvent en aucun cas de sa fonction».

En réalité, le commentaire barbare et atroce de Mandon ne fait que révéler au grand jour le contenu de la politique proposée par le NFP. Afin de sceller l’alliance avec le PS bourgeois, Mélenchon a non seulement accepté de «jeter à la rivière» ses critiques du génocide à Gaza, mais écrit dans le programme du NFP qu’il appuyerait l’envoi de troupes françaises, maquillées en «casques bleus», en Ukraine. Or, un tel envoi se serait soldé par une boucherie des troupes françaises et le danger d’une escalade nucléaire du conflit OTAN-Russie.

Avec ses invocations du «populisme» niant le rôle central de la lutte des classes, ses alliances avec les partis bourgeois et son adaptation cynique à la politique militariste de la bourgeoisie française, Mélenchon est le principal obstacle en France à la lutte contre la guerre impérialiste. Ceci met en lumière la faillite non seulement du NFP, mais aussi de tous les partis petite-bourgeois qui ont salué la formation et le programme du NFP comme une avancée politique. Ces partis, dont le NPA, LO et Révolution permanente sont démasqués comme des truchements de l’impérialisme.

La construction du mouvement antiguerre dans la classe ouvrière nécessaire à empêcher une catastrophe nécessite l’organisation de la classe ouvrière de par la base, dans des comités d’action indépendants des appareils syndicaux intégrés au NFP. La perspective politique pour une lutte contre la guerre ne peut venir ni du NFP ni de ses satellites politiques comme le NPA, mais seulement de la critique trotskyste du NFP formulée par le Parti de l’égalité socialiste.

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