Les décès liés au travail ne diminuent pas au Canada

Un échafaudeur en Alberta [Photo: Government of Alberta]

Une série de décès récents liés au travail au Canada montre clairement que les conditions des travailleurs dans l’abattoir qu’est le secteur industriel du pays restent inchangées. Avec la mise en œuvre de plans avancés pour une guerre impérialiste et les demandes accrues du gouvernement libéral du Premier ministre banquier Mark Carney pour une rentabilité accrue des entreprises, la classe ouvrière est confrontée à un retour aux conditions brutales qui prévalaient dans les ateliers clandestins du XIXe et du début du XXe siècle.

Sans exception, ces décès auraient pu être évités. Ils témoignent de conditions de travail dangereuses, de réglementations de sécurité inadéquates et d'un système de justice pénale qui protège les employeurs dont les pratiques entraînent des blessures ou la mort de leurs travailleurs.

Le 2 octobre, un ouvrier du bâtiment de 26 ans originaire du Mexique a été tué dans la ville de Forest, en Ontario, lorsqu'il est tombé d'un échafaudage alors qu'il effectuait des travaux de restauration sur un mur extérieur d'un bâtiment. L'identité du travailleur n'a pas été révélée et on ne sait pas si des mesures de protection étaient en place.

Kulbir Kaila, une femme de ménage de 61 ans à l'université Simon Fraser de Burnaby, en Colombie-Britannique, est décédée d'une crise cardiaque le 28 juillet pendant son service. Comme beaucoup de ses collègues, Kaila était une immigrante originaire de l'État indien du Pendjab. Son employeur, Best Service Pros, a licencié 23 agents d'entretien en avril 2024, ce qui a considérablement augmenté la charge de travail des 150 employés restants.

En janvier de cette année, un travailleur forestier non identifié est décédé à Saint-Côme-Linière, au Québec, lorsque la débusqueuse qu'il conduisait est entrée en collision avec une souche d'arbre et l'a éjecté de la cabine. Son véhicule n'était pas équipé d'une ceinture de sécurité ni d'une porte complète, ce qui constituait une violation d'au moins une règle de sécurité.

Ces trois personnes ne sont que quelques-unes parmi plus de 1000 travailleurs qui meurent chaque année des suites d'accidents du travail. Le rapport 2025 sur les taux d'accidents mortels et de blessures au travail au Canada fait état de 1056 décès liés au travail en 2023, dernière année pour laquelle des données sont disponibles.

Ce rapport a été rédigé par Sean Tucker, PhD, de l'université de Regina, et Anya Keefe, MSc, de l'université de Colombie-Britannique. Les données ont été principalement recueillies auprès des commissions provinciales et territoriales d'indemnisation des accidents du travail.

Ce chiffre de plus de 1000, soit environ trois décès par jour, est loin de refléter l'ampleur des blessures et des décès liés aux conditions de travail. Le rapport note qu'une étude de 2018 intitulée « Work-Related Deaths in Canada » (Décès liés au travail au Canada), dirigée par Steven Bittle de l'Université d'Ottawa, estime que le nombre réel de décès liés au travail est jusqu'à 10 fois plus élevé.

Il existe une multitude de raisons à ce phénomène de sous-déclaration, dont beaucoup sont familières aux travailleurs partout dans le monde. Les pressions liées à la précarité de l'emploi et la crainte d'être licencié ou de perdre son revenu, les barrières linguistiques et un manque général de sensibilisation conduisent de nombreux travailleurs à hésiter à signaler les blessures ou les maladies contractées au travail. Leurs décès prématurés sont alors attribués à d'autres causes non liées au travail.

Carex Canada, une organisation spécialisée dans les substances cancérigènes, estime que 235 000 travailleurs canadiens sont actuellement exposés à l'amiante, une substance cancérigène connue et mortelle présente dans de nombreux bâtiments et processus résidentiels et industriels. Les entreprises canadiennes présentent l'amiante comme une substance qui a été progressivement éliminée, alors que la législation de 2018 n'a interdit son utilisation que dans les nouvelles constructions.

Les décès et les blessures liés au travail sont donc loin d'être rares et ne se limitent pas aux pays en développement.

Entre 2020 et 2022, trois travailleurs ont été tués au travail chez National Steel Car, un fabricant de wagons basé à Hamilton, en Ontario. Ces décès horribles, résultant d'une accélération bien documentée du rythme de travail et du refus brutal de l'entreprise de mettre en œuvre ou d'appliquer des mesures de sécurité élémentaires, ont conduit à des amendes dérisoires pour l'entreprise, détenue par Greg Aziz, un escroc financier inculpé.

Au sud de la frontière, Ronald Adams, un ouvrier de maintenance de 63 ans travaillant au Stellantis Dundee Engine Complex, dans le sud-est du Michigan, a été écrasé à mort le 7 avril 2025 alors qu'il effectuait l'entretien d'une machine à laver industrielle. Les procédures de verrouillage de maintenance appropriées ont été bafouées par l'entreprise dans le but d'accélérer la production, et le bureau de la santé et de la sécurité au travail de l'État, ainsi que le syndicat United Auto Workers, ont dissimulé ce meurtre commis par l'entreprise.

Plus récemment, une puissante explosion à l'usine de munitions Accurate Energetic Systems près de Nashville, dans le Tennessee, a tué 16 travailleurs, pulvérisant leurs corps. L'usine avait commis de nombreuses violations en matière de santé et de sécurité au fil des ans et avait été autorisée à continuer de produire des munitions pour la machine de guerre de l'impérialisme américain. L'histoire a été rapidement enterrée dans le cycle d’informations des médias bourgeois.

On estime que 5283 travailleurs sont morts au travail aux États-Unis en 2023, un chiffre largement sous-estimé. La fédération syndicale AFL-CIO affirme qu'il y a en réalité environ 140 000 décès liés au travail chaque année aux États-Unis, ce qui inclut les décès dus à des maladies professionnelles. Cela placerait le nombre de décès par habitant au même niveau que celui de son voisin du nord.

Ce qui relie ces tragédies au-delà des frontières régionales et nationales, c'est la crise grandissante du système capitaliste mondial, qui ne tolère aucune ingérence dans l'accumulation record de richesses par la classe dirigeante et dans les préparatifs de guerre entre les grandes puissances impérialistes et leurs rivaux.

Selon la logique du capitalisme, les travailleurs doivent rester à leur poste et travailler sans relâche pour générer des profits pour les entreprises et construire des instruments de destruction. Si un travailleur meurt dans l'exercice de ses fonctions, ce n’est que ce qu’il en coûte pour faire des affaires. Selon cette logique c’est tant mieux, car il ne viendra pas grever les profits des entreprises à sa retraite.

Il n'existe pas de meilleur exemple de cette réalité que le traitement réservé à l'ensemble de la population mondiale par leurs gouvernements respectifs pendant la pandémie actuelle de COVID-19, qui aurait causé la mort inutile de 30 millions de personnes dans le monde depuis 2020. D'innombrables travailleurs ont été poussés vers des lieux de travail qui sont devenus des zones propices à la propagation de la maladie, les infectant, ainsi que leurs enfants et les personnes âgées.

Au Canada, au moins 60 000 personnes sont mortes de la COVID-19. Les gouvernements de tout le pays et de tout le spectre politique, du Nouveau Parti démocratique (NPD) « de gauche » aux libéraux, conservateurs et à la Coalition Avenir Québec, ont promu la ligne eugéniste selon laquelle « le remède ne devait pas être pire que la maladie ». La maladie a pu se propager sans contrôle et les mesures essentielles de santé publique que sont la vaccination et la quarantaine ont été attaquées.

Les rares réformes et mesures de protection qui subsistent sont rapidement supprimées ou, au mieux, constituent une véritable farce. La loi Westray, le projet de loi fédéral C-45, a été adoptée en 2004 afin d'établir la responsabilité pénale des organisations en cas de décès ou de blessures sur le lieu de travail. Elle tire son nom de la mine de charbon Westray en Nouvelle-Écosse, où 26 mineurs ont perdu la vie dans une explosion de méthane en mai 1992.

À ce jour, seules trois personnes et sept entreprises ont été condamnées en vertu du projet de loi C-45. L'amende maximale infligée s'élevait à 1,4 million de dollars. En d'autres termes, le coût de faire des affaires.

Les décès et les blessures liés au travail ne sont qu'un élément parmi d'autres de la détérioration rapide de la situation sociale des travailleurs canadiens.

Les inégalités sociales s'accentuent, les 10 % les plus riches de la population monopolisant la richesse et les revenus du pays. Le droit de grève, un droit fondamental acquis au prix d'une lutte acharnée, est devenu lettre morte, comme l'illustre l'interdiction par le gouvernement libéral fédéral des récentes grèves des agents de bord d'Air Canada, des employés de Postes Canada, des cheminots et des débardeurs. Les préparatifs de longue date en vue d'une guerre contre la Russie et la Chine sont sur le point de réduire des dizaines ou des centaines de milliers de travailleurs à l'état de simple chair à canon.

Face à la crise sociale la plus grave depuis la Grande Dépression et la Seconde Guerre mondiale, les syndicats, en partenariat avec leurs alliés du NPD, n'ont rien d'autre à offrir à la classe ouvrière que davantage de pauvreté, de difficultés et de lieux de travail dangereux comportant des risques de blessures et de mort.

Depuis des années, les dirigeants syndicaux collaborent avec le NPD pour maintenir au pouvoir le Parti libéral pro-patronal qui bafoue les droits des travailleurs et réduit les dépenses sociales au profit des subventions aux entreprises et du financement de l'armée.

Lorsque les travailleurs se sont rebellés en votant pour la grève dans des proportions inédites depuis des décennies, les dirigeants syndicaux ont muselé leurs luttes, les isolant les uns des autres et les affamant avec des rations de misère. Cette couche sociale parasitaire agit ainsi pour conserver ses privilèges et soutenir le système capitaliste qui lui permet d'avoir sa place à la table des employeurs.

Les décès liés au travail ne cesseront que si les travailleurs prennent leurs luttes en main. Pour défendre leur vie et leurs moyens de subsistance, les travailleurs doivent rompre avec l'appareil syndical et le NPD, qui sont les instruments du patronat et de l'État. Des comités de base, coordonnés par l'Alliance ouvrière internationale des comités de base (IWA-RFC), doivent être créés pour mener une lutte politique consciente en faveur du socialisme.

Pour en savoir plus sur l'IWA-RFC et aider à créer des organisations démocratiques de lutte sur votre lieu de travail, cliquez ici.

(Article paru en anglais le 11 novembre 2025)

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