Huit sénateurs démocrates ont voté dimanche soir en faveur d'une motion visant à ouvrir le débat sur une résolution budgétaire soutenue par Trump, abandonnant ainsi leur opposition de façade au président aspirant dictateur et s'engageant à mettre fin à la fermeture partielle du gouvernement fédéral. Cela a permis un vote à 60 contre 40 sur une résolution procédurale visant à permettre la mise aux voix d'une résolution budgétaire révisée au Sénat dans les jours suivants, selon les conditions dictées par Trump et les républicains.
Cette action n'est pas seulement une capitulation devant Trump, mais une collaboration délibérée avec l'administration républicaine dans un contexte de crise politique, sociale et économique qui s'aggrave pour le capitalisme américain. Il s'agit d'une décision calculée pour sauver l'administration fasciste alors que sa position devient de plus en plus précaire.
Les huit démocrates ont invoqué la perturbation généralisée des services publics, du contrôle aérien aux bons alimentaires, pour justifier leur capitulation devant Trump. Cependant, cela n'est qu'un prétexte pour masquer leur décision de s'allier au président.
Et il ne s'agit pas seulement des huit sénateurs, mais du Parti démocrate dans son ensemble. Parmi ceux qui ont voté avec Trump figurait le sénateur de l'Illinois Dick Durbin, whip de la minorité et deuxième démocrate au Sénat. Lors d'un vote similaire en mars dernier, Durbin et le chef de la minorité Charles Schumer avaient tous deux « changé de camp » pour lancer une bouée de sauvetage à Trump dans une précédente impasse budgétaire. Schumer se présente aujourd'hui comme intransigeant, mais il ne fait aucun doute que si son vote avait été nécessaire, il aurait été disponible.
Le revirement des démocrates n'est pas dû à la crainte de la force ou de la popularité de Trump. Au contraire, il fait suite à une série d'événements qui démontrent la vaste hostilité populaire à l'égard de ce gouvernement et en particulier des méthodes de plus en plus dictatoriales de Trump.
Le 18 octobre, les manifestations de masse « No Kings » ont rassemblé des millions de personnes dans les rues de plus de 2500 localités à travers le pays. Alors que les démocrates contrôlaient les tribunes et cherchaient à bloquer tout appel à l'action de masse, les deux partis contrôlés par la grande entreprise ont été clairement déstabilisés par l'ampleur des manifestations et l'indignation suscitée par les attaques de Trump contre les droits démocratiques et les travailleurs immigrés.
Le 4 novembre, les démocrates ont remporté les élections de mi-mandat, gagnant les deux postes de gouverneurs vacants en Virginie et dans le New Jersey, ainsi que la plupart des autres élections disputées. La victoire du «socialiste démocrate » autoproclamé Zohran Mamdani à la mairie de New York – battant le démocrate Andrew Cuomo, ancien gouverneur de l'État, qui avait le soutien de Trump et de la direction du Parti démocrate – a déclenché une hystérie anticommuniste à la Maison-Blanche et à Wall Street.
L'ampleur de l'hostilité de masse envers Trump s'est également manifestée dans la résistance de plus en plus militante à ses sbires en bottes militaires qui font des descentes dans les quartiers immigrés, en particulier à Chicago. Les sondages ont montré que le public reprochait à Trump et aux républicains les retards dans le trafic aérien causés par la fermeture des services publics et l’élimination des bons alimentaires dans de nombreux États.
Dimanche, Trump a été copieusement hué alors qu'il présidait une cérémonie d'assermentation de nouveaux membres de l'armée lors d'un match de football professionnel juste à l'extérieur de Washington DC.
Au moment même où Trump était le plus vulnérable, les démocrates sont intervenus pour lui venir en aide. Dans les trois jours qui ont suivi la déroute électorale des républicains lors des élections de mi-mandat, les démocrates du Sénat ont commencé à signaler qu'ils allaient changer leur position sur la résolution budgétaire.
Les démocrates ont abandonné ce qu'ils avaient présenté comme leur principal objectif en bloquant la résolution budgétaire, à savoir l'expiration des subventions pour les primes d'assurance maladie de millions de familles de la classe ouvrière inscrites à l'Affordable Care Act (Obamacare). Après avoir affirmé pendant des semaines que les subventions devaient être incluses dans la résolution parce qu'ils ne faisaient pas confiance à l'administration républicaine pour régler le problème plus tard, les démocrates ont accepté un vote du Sénat sur la question en décembre, sans garantie qu'il soit adopté.
Le projet de loi ne résout pas l'impasse budgétaire, il autorise simplement l'administration Trump à dépenser de l'argent jusqu'au 30 janvier 2026, évitant ainsi les scènes d'encombrement dans les aéroports et les longues files d'attente pour se nourrir pendant la période des fêtes. Il annule le licenciement définitif de 4000 fonctionnaires fédéraux pendant la fermeture, interdit tout nouveau licenciement jusqu'au 30 janvier et prévoit le paiement intégral des salaires de tous les fonctionnaires fédéraux, y compris ceux qui ont été mis en congé forcé. Cela a été présenté comme une «victoire » des démocrates, mais c'est la pratique qui a été suivie après toutes les précédentes fermetures du gouvernement fédéral.
Le projet de loi finance également plusieurs programmes fédéraux jusqu'au 30 septembre 2026, notamment le ministère de l'Agriculture, qui supervise le programme de bons alimentaires. Cela n'aura aucune incidence sur les réductions des prestations alimentaires adoptées dans le cadre du « One Big Beautiful Bill » de Trump l'été dernier. Et cela ne mettra pas fin à l'offensive juridique de l'administration contre les bénéficiaires de prestations, qui est actuellement examinée par la Cour suprême.
Dans son mémoire d'appel contre la décision du tribunal de première instance exigeant le paiement intégral des prestations SNAP en novembre, l'administration Trump affirme, dans sa première phrase, que « la décision du tribunal de district menace de causer un préjudice important et irréparable au gouvernement, qui l'emporte sur tout préjudice allégué aux plaignants ». En d'autres termes, obliger le gouvernement à transférer de l'argent d'un compte à un autre est pire que d'affamer des millions de personnes, dont beaucoup d'enfants.
Il y a sans doute eu des discussions en coulisses entre les démocrates et Trump, malgré les affirmations selon lesquelles il n'était pas directement impliqué. Mais ces discussions auraient porté sur les différences réelles entre les deux partis bourgeois, en particulier en matière de politique étrangère, où les démocrates recherchent une ligne plus militariste dans la guerre menée par les États-Unis et l'OTAN contre la Russie en Ukraine. Il existe également des divisions importantes au sein de l'élite dirigeante au sujet de la politique tarifaire de Trump, qui a été contestée la semaine dernière devant la Cour suprême des États-Unis et largement condamnée dans la presse financière.
La fin de la fermeture gouvernementale ouvre la voie à une intensification des attaques frontales contre les programmes sociaux fondamentaux, notamment la sécurité sociale, Medicare et Medicaid. Elle permet également la poursuite du développement du complot en faveur de la dictature. Les démocrates ont permis à Trump d'agir parce qu'ils soutiennent les piliers fondamentaux de son programme intérieur et qu'ils sont terrifiés par tout ce qui pourrait déclencher un mouvement de masse venant d'en bas.
La crise budgétaire qui a duré un mois entier a mis en évidence la faillite de ceux qui, comme les Socialistes démocrates d'Amérique, promeuvent l'illusion que le Parti démocrate peut être déplacé vers la gauche et devenir l'instrument de réformes sociales progressistes, en soutenant des politiciens comme Mamdani, Alexandria Ocasio-Cortez et Bernie Sanders.
Les événements ont montré le contraire : le Parti démocrate est au service de l'État capitaliste et est profondément intégré à l'appareil militaire et de renseignement. Ses deux nouveaux gouverneurs, par exemple, sont issus de ce cloaque réactionnaire. La gouverneure élue de Virginie, Abigail Spanberger, était une agente de carrière de la CIA avant d'entrer au Congrès en 2018. La gouverneure élue du New Jersey, Mikie Sherrill, était pilote d'hélicoptère dans la marine, experte de l'armée russe et procureure fédérale avant de remporter un siège à la Chambre des représentants la même année.
Quelles que soient les invectives qu’ils se lancent entre eux, les deux partis sont unis dans leur défense du capitalisme et leur opposition à tout mouvement indépendant de la classe ouvrière. C'est pourquoi le Parti de l'égalité socialiste insiste sur le fait que la base essentielle de toute lutte authentique de la classe ouvrière est la rupture avec le système bipartite et la mobilisation des travailleurs en tant que force politique indépendante.
Cela implique la formation de comités de base dans les usines, les entrepôts, les bureaux et autres lieux de travail, ainsi que dans les quartiers populaires, afin d'organiser la défense des droits démocratiques et la lutte contre le système capitaliste. Les travailleurs ne peuvent défendre leurs emplois, leurs salaires et leur niveau de vie, ainsi que les services publics essentiels tels que l'éducation et la santé, qu'en s'attaquant directement à la richesse de la classe dirigeante.
Les fortunes des milliardaires – qui trouvent leur origine dans leur contrôle des banques, des entreprises et des monopoles immobiliers – doivent être expropriées et leurs monopoles transformés en services publics sous le contrôle démocratique des travailleurs. La question cruciale est celle de la direction et de la perspective. Nous appelons tous ceux qui veulent lutter contre la crise capitaliste à adhérer au Parti de l’égalité socialiste.
