Le sommet tant attendu et très suivi entre le président américain Donald Trump et son homologue chinois Xi Jinping s'est tenu jeudi dans une salle de réception de la base aérienne militaire de Gimhae, près de Busan, en Corée du Sud. Alors que Donald Trump a qualifié cette rencontre d'«incroyable » et lui a attribué une note de « 12 sur 10 », le résultat n'a été qu'une trêve fragile d'un an dans la guerre économique acharnée qui oppose les deux plus grandes économies mondiales.
La réunion a été éclipsée par l'annonce très provocatrice de Trump, alors qu'il arrivait à la base de Gimhae, selon laquelle les États-Unis allaient immédiatement reprendre les « essais nucléaires », une décision qui menace d'aggraver considérablement la course aux armements nucléaires. Citant nommément la Russie et la Chine, il a tweeté : « En raison des programmes d'essais menés par d'autres pays, j'ai donné instruction au ministère de la Guerre de commencer à tester nos armes nucléaires de la même façon. »
Alors que les médias s'efforçaient de donner un sens à cette déclaration – ni la Russie ni la Chine n'ont testé d'armes nucléaires depuis les années 1990 –, Trump a rencontré Xi. Devant les caméras, tout n'était que poignées de main et sourires. Trump a fait l'éloge de Xi, le qualifiant de « grand leader très respecté » mais aussi de « négociateur coriace » qu'il était « très honoré » de rencontrer. Xi a réprimandé Trump de manière indirecte, suggérant que même si les deux nations « ne sont pas toujours d'accord », « le dialogue vaut mieux que la confrontation ».
Derrière des portes closes, les échanges ont sans doute été beaucoup plus conflictuels, voire houleux. Cependant, si Trump pensait pouvoir utiliser sa manoeuvre nucléaire pour intimider la Chine et la forcer à faire des concessions, il s'est trompé. Le sommet, le premier du second mandat de Trump, que beaucoup pensaient durer des heures, s'est terminé après 100 minutes. Il est clair que rien de plus n'a été décidé au-delà de ce qui avait déjà été défini par les négociateurs américains et chinois en Malaisie dimanche dernier.
À l'issue du sommet, il n'y a eu ni conférence de presse conjointe, ni séance photo, ni déclaration commune, ni accord signé présenté aux caméras. Les deux hommes ont été vus se serrant brièvement la main avant de partir chacun de leur côté : Trump est rentré aux États-Unis, tandis que Xi est retourné au sommet de la Coopération économique Asie-Pacifique (APEC) qui commence vendredi et auquel Trump ne participe pas.
Les seuls détails sur ce qui aurait été décidé ont été fournis par Trump, qui a raconté aux journalistes à bord d'Air Force One le grand succès de sa rencontre avec Xi. Trump a déclaré que lui et Xi s'étaient mis d'accord sur un « ensemble de décisions exceptionnelles » et qu'un accord commercial serait signé « très bientôt », ajoutant : « Nous n'avons pas trop d'obstacles à surmonter. »
Le ministère chinois des Affaires étrangères s'est toutefois contenté de déclarations générales, affirmant qu'un consensus avait été atteint sur des questions telles que la coopération dans la lutte contre le trafic de fentanyl, l'expansion du commerce des produits agricoles et la levée des récentes restrictions à l'exportation et des restrictions commerciales. Xi n'a fait aucune déclaration publique sur les pourparlers.
Le principal accord conclu a été une trêve d'un an sur la mise en œuvre de mesures économiques de rétorsion qui ont failli faire échouer la réunion.
Les efforts visant à instaurer une trêve dans la guerre économique ont été compromis le mois dernier après que l'administration Trump a élargi la liste des entreprises, dont de nombreuses entreprises chinoises, interdites d'accès aux technologies américaines. Trump cherche à paralyser les industries de haute technologie chinoises en imposant des restrictions sur l'exportation de puces informatiques haut de gamme et d'équipements de fabrication de puces.
La Chine a réagi le 9 octobre en annonçant des contrôles plus stricts sur l'exportation des terres rares, dont elle détient le quasi-monopole. La pénurie de terres rares menace un large éventail d'industries américaines, notamment celles liées à l'armée. Trump a déclaré qu'il annulerait le sommet avec Xi et imposerait des droits de douane supplémentaires de 100 % sur les produits chinois, avant de faire marche arrière.
Trump a déclaré aux médias qu'il avait négocié un « ensemble de décisions exceptionnelles » et que les États-Unis et la Chine signeraient « très bientôt » un accord commercial. Il a ajouté cette prédiction fantaisiste : « Chaque année, nous réexaminerons l'accord, mais je pense qu'il sera valable bien au-delà d'un an. »
Selon Trump, les points suivants ont été convenus :
* Les États-Unis réduiront de moitié les droits de douane de 20 % imposés à la Chine au motif qu'elle facilitait l'entrée du fentanyl, un opioïde, sur le territoire américain. Trump a déclaré que Xi avait promis de « travailler très dur » pour freiner les exportations des ingrédients chimiques nécessaires à la synthèse du fentanyl. Cette décision ramènera le taux global des droits de douane sur les produits chinois à environ 47 %. Trump a retiré la menace d'imposer des droits de douane de 100 % avant le sommet.
* Les États-Unis ont accepté de reporter leur projet d'imposer des frais plus élevés aux navires construits et détenus par la Chine qui arrivent dans les ports américains. La Chine suspendra les frais élevés similaires pour les navires utilisés par les entreprises américaines dans les ports chinois.
* La Chine a accepté de reprendre et d'augmenter ses achats de soja américain et d'autres produits agricoles. Trump a publié sur les réseaux sociaux : « Nos agriculteurs seront très heureux ! [...] Je tiens à remercier le président Xi pour cela ! » Trump a également déclaré qu'« une transaction à très grande échelle pourrait avoir lieu concernant l'achat de pétrole et de gaz provenant du grand État de l'Alaska », une affirmation qui a été accueillie avec scepticisme par les analystes économiques.
* On ne sait toujours pas si les États-Unis assoupliront les restrictions sur l'exportation de micropuces avancées vers la Chine. Trump a déclaré qu'il appartenait désormais à la Chine de négocier directement avec Nvidia et que le gouvernement américain agirait en tant qu'« arbitre » ou « juge ». Le représentant américain au commerce, Jamieson Greer, a affirmé que les puces Blackwell les plus récentes et les plus avancées de Nvidia n'avaient pas été discutées, même si Trump avait précédemment laissé entendre qu'elles pourraient être sur la table.
* En ce qui concerne les terres rares, la Chine suspendra l'introduction des restrictions sévères sur les exportations annoncées le 9 octobre, mais les contraintes imposées en avril resteront en vigueur.
Il est significatif que les marchés n'aient pas immédiatement réagi à l'annonce de cette réunion, dans un contexte de crainte généralisée que la «trêve » entre les deux pays, qui représentent ensemble plus de 40 % du PIB mondial et un tiers du commerce mondial, ne dure pas.
Pour ne citer qu'un des nombreux commentateurs, Ja Ian Chong, professeur de sciences politiques à l'Université nationale de Singapour, a déclaré au New York Times : « Je suis peut-être désabusé parce que j'ai vu ce film trop souvent, mais ce sont des décisions qui sont relativement faciles à annuler dans un contexte où l’on peut accuser l'autre partie de mauvaise foi. »
Alors que Xi n'a rien dit au sujet du sommet et que les médias d'État ont été assez discrets dans leur réaction, certains commentateurs chinois ont suggéré que le président chinois avait réussi à intimider Trump et à prendre le dessus.
Toute réjouissance concernant l'apaisement des tensions commerciales ignore le fait évident que les États-Unis continuent d'intensifier leurs préparatifs de guerre, surtout contre la Chine, et qu'aucune des questions géopolitiques susceptibles de déclencher un conflit n'a été résolue. Interrogé sur la poudrière la plus dangereuse en Asie, à savoir Taïwan, Trump a simplement éludé la question, déclarant qu'elle n'avait pas été abordée.
Trump a déclaré que les deux dirigeants avaient discuté d'une «collaboration » pour mettre fin à la guerre en Ukraine, mais des divergences substantielles subsistent sur ce conflit. Trump a déclaré qu'il se rendrait en Chine en avril et que Xi se rendrait aux États-Unis peu après, mais ces projets pourraient facilement s'évaporer si les tensions reprenaient.
De plus, le sujet tabou – l'annonce de la reprise des essais nucléaires américains – a à peine été mentionné dans la couverture médiatique internationale du sommet Xi-Trump, alors qu'il s'agit d'un facteur profondément déstabilisateur sur le plan international. Cela prouve clairement que malgré tous les discours sur l'apaisement des tensions économiques, la « trêve » n'est qu'une pause temporaire, alors que l'impérialisme américain se prépare à une guerre totale, surtout contre la Chine, qu'il considère comme la principale menace à sa domination mondiale.
À bord d'Air Force One, Trump a réaffirmé sa décision de reprendre les essais nucléaires, précisant que les sites d'essais nucléaires seraient déterminés ultérieurement.
