Perspective

Trump annonce la reprise des essais nucléaires américains

Le champignon du premier essai au monde d'un engin thermonucléaire (bombe à hydrogène) au-dessus de l'atoll d'Enewetak dans les îles Marshall, le 1er novembre 1952. [AP Photo/Los Alamos National Laboratory]

Jeudi, le président américain Donald Trump a annoncé la reprise des essais nucléaires américains, dernière mesure en date prise par les États-Unis pour supprimer tous les garde-fous restants et limitant leurs préparatifs en vue de la Troisième Guerre mondiale. Tous les pays du monde ont officiellement interdit les essais nucléaires; cette décision fait des États-Unis le seul pays à autoriser cette pratique.

Les essais nucléaires, au-delà de la diffusion de radiations mortelles dans l'atmosphère et de la contamination des eaux souterraines, sont universellement compris comme un acte d'escalade massive, amplifiant les possibilités de guerre nucléaire, que celle-ci provienne d’une erreur de calcul ou d’une provocation délibérée.

En 1963, un an après que les États-Unis et l'Union soviétique eurent frôlé la guerre nucléaire lors de la crise des missiles de Cuba, le gouvernement Kennedy a négocié le Traité d'interdiction partielle des essais nucléaires, qui interdisait tous les essais nucléaires à l'exception de ceux menés sous terre. En 1992, après la dissolution de l'Union soviétique, le président George H.W. Bush a déclaré une interdiction unilatérale des essais nucléaires.

Au cours des décennies qui ont précédé l'interdiction de tels essais, plus de 2 000 explosions nucléaires ont été réalisées, dont plus de la moitié par les États-Unis. Ces essais ont rendu malades des communautés vivant dans l'ouest des États-Unis et dans tout le Pacifique Sud, et ont rendu des régions entières inhabitables.

Trump a fait son annonce juste avant de rencontrer le président chinois Xi Jinping, en Corée du Sud, pour des discussions sur la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine. Trump a utilisé l’arsenal nucléaire américain comme moyen d’assurer les intérêts prédateurs de l’impérialisme américain sur la scène mondiale, brandissant au-dessus de la tête de l’humanité la menace d’une extermination par la guerre nucléaire.

Les États-Unis ont le plus grand programme nucléaire du monde et dépensent deux fois plus pour leurs bombes atomiques que la Russie et la Chine réunies. Ils sont également le seul pays à s’en être jamais servi, exterminant la population sans défense d'Hiroshima et de Nagasaki afin de menacer l'Union soviétique à la fin de la Seconde Guerre mondiale.

En rapportant l'annonce de Trump, les médias américains n'ont présenté aucun contexte historique ou antécédents. Mais, loin d'être une improvisation impulsive, les planificateurs militaires américains discutent activement de la reprise des essais nucléaires depuis au moins 2020.

Le propre message de Trump annonçant cette décision l’inscrivait clairement dans le cadre d’un renforcement de l’arsenal nucléaire américain engagé depuis des années. Il écrivit: «Les États-Unis possèdent plus d’armes nucléaires que n’importe quel autre pays. Cela a été accompli, y compris une mise à jour complète et une rénovation des armes existantes, au cours de mon premier mandat.»

Il a ajouté: «J’ai donné instruction au Département de la Guerre de commencer à tester nos armes nucléaires sur une base d’égalité. Ce processus débutera immédiatement. »

Le message de Trump ne racontait cependant qu'une partie de l'histoire. Le renforcement nucléaire dont il s'est vanté a en fait été initié durant le gouvernement Obama et s'est poursuivi pendant la première présidence de Trump, celle de Biden et maintenant le deuxième mandat de Trump. Ce renforcement nucléaire, dont la grande majorité de la population américaine n'est pas consciente, s'est poursuivi avec un soutien bipartite total, pour un coût de plus de 1 000 milliards de dollars.

Il y a un an, le New York Times publiait un long article sur le plan secret dédié à «rendre l'Amérique nucléaire à nouveau» par la création d'un «arsenal moderne pour une nouvelle ère nucléaire volatile».

«Si vous n’habitez pas là où l’on soude les sous‑marins ou là où l’on creuse les silos de missiles, il y a de fortes chances que vous ne sachiez même pas que cela se fait», écrivait le New York Times. «Le gouvernement fédéral a très peu communiqué sur ce plan en public, en dehors des auditions au Congrès et des documents de stratégie, ou sur l’énorme montant dépensé. Il n’y a eu aucun débat significatif. Les programmes aux nombreux milliards de dollars avancent en toute discrétion.»

Au cours de l'année écoulée depuis la publication de cet article, l'accumulation massive d'armes nucléaires américaines et la conspiration du silence qui l'entoure se sont poursuivies. En décembre, le Congrès a approuvé le National Defense Authorization Act (NDAA) de 895 milliards de dollars, le plus grand budget militaire de tous les pays et de l'histoire de l'humanité, dont le financement record des efforts de modernisation nucléaire.

En janvier, Trump a annoncé que les États-Unis «commenceraient immédiatement la construction d'un bouclier de défense antimissile Dôme de fer à la pointe de la technologie». Loin d'être une mesure défensive, ce soi-disant «Dôme d'or» encouragerait la Maison-Blanche à menacer d'autres pays d'une première frappe nucléaire préventive, puisque le bouclier antimissile serait censé protéger les États-Unis de représailles.

Dans le cadre du renforcement en cours de l’arsenal nucléaire américain, le gouvernement Trump a cherché à supprimer toutes les restrictions pesant sur l’usage des armes atomiques. Le fait le plus marquant fut le retrait des États‑Unis du Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire (INF - Intermediate-Range Nuclear Forces) en août 2019, là encore, quand Trump était président.

En réponse à l’annonce faite par Trump en octobre 2018 du retrait des États‑Unis du traité, le président russe Vladimir Poutine a déclaré que la Russie se lancerait dans le développement d’une nouvelle série de vecteurs nucléaires, y compris un drone sous‑marin connu sous le nom de Poseidon et un nouveau missile de croisière à longue portée appelé Bourevestnik.

La Russie a récemment effectué des tests des mécanismes de projection, mais non de la charge nucléaire, des deux systèmes, acte dont Trump s'est saisi pour annoncer la reprise des essais nucléaires américains, prévue de longue date et longuement discutée.

Après leur retrait du traité INF, les États-Unis ont décidé de déployer des armes nucléaires précédemment interdites par le traité dans des endroits d'où ils peuvent frapper la Russie et la Chine. Le Pentagone a étendu la portée de son missile de frappe de précision et a versé des centaines de millions de dollars dans le développement d'un nouveau missile de croisière nucléaire lancé en mer, connu sous le nom de SLCM-N.

La mise au point de missiles balistiques et de croisière précédemment interdits par le traité FNI s’est accompagnée d’une escalade des attaques directes de l'Ukraine, le mandataire de l'OTAN, au plus profond de la Russie. Ce mois-ci, le Wall Street Journal a rapporté que «l'administration Trump a levé une restriction clé sur l'utilisation par l'Ukraine de certains missiles à longue portée fournis par des alliés occidentaux», ce qui a conduit à une attaque ce mois-ci à l'aide de missiles Storm Shadow fournis par le Royaume-Uni sur la ville de Briansk, dans le sud de la Russie.

Plus tôt ce mois-ci, Trump a confirmé qu'il envisageait d'envoyer des missiles Tomahawk à l'Ukraine. En réponse à la menace de Trump, l'ancien président russe Dmitri Medvedev a observé: «Il est impossible de distinguer un missile Tomahawk nucléaire en vol d'un missile [Tomahawk] conventionnel.» Les missiles Tomahawk ont longtemps eu la capacité de transporter des ogives nucléaires.

Entre le déploiement d'armes nucléaires à courte portée aux frontières de la Russie et de la Chine, l'utilisation d'armes à longue portée fournies par l'OTAN sur les villes russes et la reprise des essais nucléaires, le monde entier sera à un cheveu d’un déclenchement nucléaire.

Chaque fois qu'un missile « conventionnel » est tiré depuis l'Ukraine, un allié semi-officiel de l'OTAN, ou chaque fois que les États-Unis effectuent un essai nucléaire imprévu ordonné par Trump, le principal praticien mondial de la soi-disant « théorie du fou », les planificateurs en Russie et en Chine se demanderont : «Sommes-nous la cible d’une attaque nucléaire? »

La politique de surenchère des États‑Unis, bien qu’elle soit calculée pour obtenir la soumission de la Russie et de la Chine, peut déclencher une spirale d’escalade massive aux conséquences incalculables.

La montée du militarisme impérialiste est inextricablement liée à l'escalade de l'assaut contre la classe ouvrière aux États-Unis. L'annonce de Trump que les États-Unis reprendront les essais nucléaires intervient quelques jours seulement avant que le gouvernement ne mette fin au financement des coupons alimentaires, coupant ainsi des dizaines de millions d'Américains d'une ressource vitale juste avant les vacances de Thanksgiving et de Noël.

Il existe un lien direct entre les deux. Dans une déclaration publiée ce mois-ci, la Brookings Institution, alignée sur le Parti démocrate, s'exprimant au nom d'une politique soutenue à la fois par les partis démocrate et républicain, a appelé à « une stratégie de résilience à l'échelle de la société qui tire parti de tous les outils publics et privés à sa disposition: une défense totale pour une ère de guerre totale ».

La doctrine de la guerre totale, mise au point par les dirigeants militaires allemands pendant la Seconde Guerre mondiale et poursuivie en tant que doctrine d'État sous le régime nazi, voyait la subordination de toute la société à l'effort de guerre, exigeant un « sacrifice » de la classe ouvrière au nom du succès militaire national.

Sous la doctrine de la « guerre totale », les dirigeants de l’Allemagne nazie ont plongé la population allemande dans le désastre avec autant de certitude qu’ils ont mené une guerre d’extermination à travers l’Europe de l’Est. Aujourd’hui, Trump, parlant au nom de l’oligarchie américaine dans son ensemble, considère le régime nazi comme un modèle, non seulement pour une dictature aux États‑Unis, mais aussi pour la violence militaire à l’échelle mondiale.

La classe dirigeante lie l’assaut contre la classe ouvrière à l’intérieur du pays à l’escalade militaire à l’étranger. La classe ouvrière doit répondre en unissant la défense de ses droits sociaux et économiques à la lutte contre la guerre impérialiste. Le rassemblement « No Kings » plus tôt ce mois‑ci a montré qu’il existe une opposition de masse à la politique de dictature et d’austérité du gouvernement Trump. Il faut développer cette opposition sous la forme d'un mouvement de la classe ouvrière, dans lequel la lutte contre la guerre impérialiste est liée à la lutte contre le capitalisme et pour le socialisme.

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