Le président américain Trump impose une nouvelle série de droits de douane au nom de la « sécurité nationale » sur toute une gamme de produits allant des médicaments de marque et brevetés, aux camions lourds, aux meubles, et aux armoires de cuisine, en passant par le mobilier de salle de bain.
À partir du 1er octobre, un droit de douane de 25 % sera imposé sur les camions lourds, un droit de 30 % sur les meubles rembourrés et de 50 % sur les armoires de cuisine et le mobilier de salle de bain.
Un droit de douane de 100 % frappera les produits pharmaceutiques à l’exception des médicaments génériques, et les entreprises pourraient éventuellement obtenir une exemption si elles « construisent leur usine de production pharmaceutique en Amérique », selon un message publié par Trump sur les réseaux sociaux.
Le message indique qu’aucun droit de douane ne serait imposé si cette construction a déjà commencé.
Le caractère personnalisé de la prise de décision sous le régime Trump a bien été illustré par le fait que, seulement 12 heures avant cette dernière décision, le représentant américain au commerce, Jamieson Greer, était en Malaisie en négociation avec des responsables de l’Asie du Sud-Est et avait déclaré aux journalistes qu’aucun nouveaux droits de douane n’étaient projetés.
Ces nouveaux droits de douane, comme ceux qui frappent les voitures, l’acier et l’aluminium, sont imposés en vertu de l’Article 232 de la loi sur l’expansion du commerce de 1962, le Trade Expansion Act, qui donne au président le pouvoir d’imposer des droits de douane pour des raisons de « sécurité nationale » après une enquête menée par le département du Commerce.
Les « droits de douane réciproques », qui couvrent l’ensemble d’un pays et varient entre 10 % et 50 %, sont imposés en vertu de la loi de 1977 sur les pouvoirs économiques d’urgence internationaux, l’International Emergency Economic Powers Act (IEEPA). En mai, la Cour internationale du commerce a jugé que Trump avait outrepassé ses pouvoirs en recourant à cette législation, une décision qui a depuis été confirmée par une cour d’appel fédérale.
L’administration Trump a depuis fait appel devant la Cour suprême, affirmant que la révocation des droits de douane imposés en vertu de l’IEEPA pourrait entraîner une crise économique et financière majeure.
Lorsque les droits de douane réciproques ont été annoncés pour la première fois en avril, les affirmations de Trump selon lesquelles ils rapporteraient des milliards de dollars aux États-Unis ont rapidement été dénoncées comme étant un non-sens économique, car ces droits ne sont pas payés par l’exportateur, mais bien par l’entreprise importatrice, qui les absorbe ou les répercute sur le consommateur final, qu’il s’agisse de ménages ou d’entreprises.
Depuis lors toutefois, le sens des affirmations de Trump est devenu très clair. Les droits de douane réciproques sont l’arme principale d’une opération internationale de racket à grande échelle, qui s’apparente davantage à des mesures mafieuses qu’à tout ce que l’on a pu voir dans l’histoire du commerce international.
L’accord conclu avec le Japon en est la preuve. Sous la menace d’une imposition de droits de douane de 25 %, qui aurait pu entraîner des pertes de plusieurs centaines de milliards de dollars pour son industrie automobile, les négociateurs japonais ont accepté les conditions de Trump.
En échange d’une réduction de ces droits de douane à 15 %, le Japon se serait engager à investir 550 milliards de dollars dans des industries américaines qui seraient déterminées par un comité composé exclusivement de représentants américains, sous le contrôle effectif de Trump.
Si le Japon décidait de ne pas procéder à ces investissements, il serait soumis au rétablissement des droits de douane au taux précédent, voire à un taux plus élevé. Dans le cas où les investissements financés par des capitaux japonais commenceraient à générer des bénéfices après récupération des coûts initiaux, 90 % iraient aux États-Unis et 10 % au Japon.
Les États-Unis sont actuellement engagés dans des « négociations » – là encore une opération de chantage – avec la Corée du Sud. Ils exigent que celle-ci fournisse 350 milliards de dollars, conformément à l’accord conclu avec le Japon.
Lorsque l’accord présumé a été annoncé fin juillet, Trump a écrit sur les réseaux sociaux que la Corée du Sud avait accepté de « donner aux États-Unis 350 milliards de dollars pour des investissements détenus et contrôlés par les États-Unis, et sélectionnés par moi-même, en tant que président ».
Dans une interview accordée à la chaîne économique CNBC au début du mois, le secrétaire au Commerce Howard Lutnick a invoqué l’accord avec le Japon comme base pour traiter avec la Corée du Sud.
« Les Japonais ont signé le contrat, a-t-il déclaré. Les Coréens doivent soit accepter l’accord, soit payer les droits de douane. C’est tout ou rien. Payer les droits de douane ou accepter l’accord. »
L’une des objections de la Corée du Sud est que la clause stipulant que l’argent doit être versé en dollars américains déstabilisera sa monnaie, le won, sur les marchés internationaux des devises. Le won est plus volatil que le yen japonais et les réserves de change du pays représentent environ un tiers de celles du Japon.
L’enjeu est devenu encore plus compliqué suite à l’arrestation et la détention de travailleurs coréens lors d’une descente de police visant les immigrés clandestins.
Tel que commenté par Haeyoon Kim, le fondateur et éditeur de Korea Tech and Trade Watch, dans le Financial Times (FT) la semaine dernière : « Après avoir vu à quelle vitesse les poignées de main lors d’un sommet à Washington peuvent se transformer en menottes lors d’une descente de police en Géorgie, l’opinion publique à Séoul semble se durcir à l’égard de l’accord. »
L’une des options envisagées consiste à déterminer s’il ne serait pas plutôt préférable pour la Corée du Sud d’accepter les droits de douane imposés et d’utiliser l’argent exigé par Trump pour aider les entreprises touchées par ces droits.
Aux États-Unis mêmes, les mensonges éhontés utilisés par Trump pour promouvoir sa guerre tarifaire contre le monde entier, affirmant qu’elle fera entrer l’économie américaine dans un « âge d’or », sont en train de s’effondrer. Les producteurs de soja qui récoltent leurs cultures viennent de constater que le marché chinois a disparu, l’une des conséquences des mesures de rétorsion.
Comme le souligne un récent article du Financial Times : « Pendant des décennies, plus de la moitié du soja américain était exporté vers la Chine, le plus grand acheteur mondial. Mais cette année [...] pas une seule graine de soja américain n’a été exportée vers l’Est, laissant les agriculteurs lutter pour rester à flot alors que les silos se remplissent et que les prix s’effondrent. La Chine en contrepartie se tourne vers les approvisionnements records du Brésil. Un représentant de l’industrie dans le Minnesota a déclaré que les producteurs étaient confrontés à une « surabondance de soja » qui pourrait être « dévastatrice ».
L’industrie manufacturière devait bénéficier d’un coup de pouce grâce aux droits de douane, mais ce secteur a perdu 78 000 emplois depuis le début de l’année, notamment en raison de l’augmentation des coûts induite par ces mêmes droits. Les données du département du Commerce, par exemple, montrent l’impact sur l’acier utilisé par de nombreuses entreprises de ce secteur. Le prix moyen de l’acier aux États-Unis est maintenant de 960 dollars la tonne, alors que la moyenne mondiale est de 440 dollars.
Selon le département du Commerce, la part représentée par l’industrie manufacturière dans le PIB des États-Unis a diminué, passant à 9,4 % en juin par rapport à 9,7 % à la fin de l’an dernier.
Deux entreprises fortement impliquées dans l’industrie automobile, Tricolor et First Brands, ont fait faillite ce mois-ci, cette dernière avec des dettes estimées à 10 milliards de dollars.
Le Wall Street Journal rapportait la semaine dernière que l’industrie automobile « faisait clignoter les signaux d’alerte » sur l’état de l’économie américaine, alors que CarMax, le plus grand vendeur de voitures d’occasion, annonçait que ses ventes et ses bénéfices avaient chuté au cours du dernier trimestre, entraînant une baisse de 20 % du cours de son action.
Dans tous les secteurs industriels, les dirigeants reportent leurs décisions d’investissement ou les suspendent complètement en raison de la hausse des coûts et de l’incertitude générée par les politiques de Trump. Comme l’a déclaré un dirigeant du secteur de l’exploration et de la production dans l’industrie du schiste en réponse à une enquête menée par la Banque fédérale de réserve de Dallas : « Le bruit et le chaos sont assourdissants ! Qui voudrait prendre une décision commerciale dans un environnement aussi instable ? »
(Article paru en anglais le 30 septembre 2025)