Nous encourageons tous les postiers à contacter le Comité de base des travailleurs des postes à l'adresse canadapostworkersrfc@gmail.com ou en remplissant le formulaire à la fin de cet article.
Plus de 55 000 travailleurs de Postes Canada ont poursuivi mardi leur grève nationale pour la sixième journée consécutive, alors que le gouvernement libéral du premier ministre Mark Carney poursuit sa campagne visant à démanteler le service postal public sous prétexte de rétablir la « viabilité » et la rentabilité de la société d'État.
Les grévistes sont confrontés à une lutte politique contre le gouvernement libéral et l'ensemble des entreprises canadiennes, qui soutiennent sans réserve les revendications de la direction de Postes Canada, car elles correspondent à la détermination de la classe dirigeante de détruire les services publics, d'accroître l'exploitation des travailleurs et d'appauvrir la classe ouvrière. S'adressant aux journalistes à Londres, en Angleterre, samedi, Carney a affirmé que des « changements importants » à Postes Canada étaient nécessaires de toute urgence et a qualifié le service de « non viable ». Il s'est plaint que Postes Canada « perd plus de 10 millions de dollars par jour – 10 000 000 $ par jour, jour après jour » et a insisté sur le fait que « la situation doit changer ».
Les postiers en grève doivent répondre à la déclaration de guerre du gouvernement contre leurs moyens de subsistance en faisant de leur lutte le fer de lance d'une mobilisation de masse plus large pour défendre tous les services publics, des emplois décents et sûrs, et le droit de grève. Le contexte de la grève souligne que les conditions sont favorables au développement d'un tel mouvement, car toutes les catégories de travailleurs sont confrontées à des attaques similaires, et les luttes militantes des agents de bord, des enseignants des collèges en Ontario et des employés du gouvernement de la Colombie-Britannique ont balayé le pays ces dernières semaines.
Les postiers ont commencé à se mettre spontanément en grève jeudi dernier, après que Joël Lightbound, ministre de la Transformation du gouvernement, des Travaux publics et de l'Approvisionnement, ait annoncé un « plan de transformation » radical de Postes Canada.
Ce plan, dicté par la direction de Postes Canada et approuvé sans discussion par les libéraux, ordonne à l'entreprise de réduire considérablement ses services et d'éliminer des dizaines de milliers d'emplois à temps plein dans les années à venir.
Les premières grèves ont eu lieu dans les provinces de l'Atlantique et au Manitoba, où les facteurs et les employés des centres de tri ont immédiatement débrayé pour défier les diktats du gouvernement. En quelques heures, la nouvelle de cette grève s'est rapidement répandue sur les réseaux sociaux, déclenchant d'autres grèves. Jeudi soir, le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP), qui avait tenu les travailleurs en laisse depuis qu'ils avaient retrouvé le droit de grève en mai dernier, a annoncé une grève nationale. L'objectif de la bureaucratie était de se placer dans une meilleure position pour contrôler et contenir la rébellion grandissante de la base.
Les travailleurs en grève qui se sont entretenus avec le World Socialist Web Site ont exprimé leur indignation face à l'intervention répétée du gouvernement en faveur de la direction et ont rejeté la volonté de rétablir la rentabilité de Postes Canada sur le dos des travailleurs et en réduisant les services. Un postier d'Ottawa a expliqué : « Le courrier est un service public. Imaginez que votre maison soit en feu et que les pompiers refusent d'éteindre l'incendie parce que ce n'est pas rentable ! » Un autre travailleur ayant 20 ans d'expérience a abondé dans ce sens, remarquant : « C'est un service, pas une organisation à but lucratif. »
Cette explosion de la base s'est rapidement transformée en l'une des confrontations les plus importantes entre les travailleurs canadiens et l'État depuis des décennies. Elle menace la stabilité du gouvernement Carney récemment élu, alors qu'il lance son programme « d'austérité et d'investissement », qui impliquera de réduire les services publics à leur plus simple expression tout en injectant des milliards dans les dépenses militaires et les coffres des entreprises par le biais de subventions et de plans de sauvetage. La grève porte également un coup dur au nationalisme fallacieux qui vise à promouvoir « Équipe Canada » dans le contexte d'une guerre commerciale tumultueuse lancée par l'administration Trump aux États-Unis. En réalité, la classe dirigeante canadienne veut imposer aux travailleurs des politiques à la Trump, notamment une austérité sauvage, l'interdiction des grèves et une explosion des budgets militaires, afin de leur faire payer la crise capitaliste mondiale.
Carney, qui a précédemment occupé les fonctions de gouverneur de la Banque du Canada et de la Banque d'Angleterre, a invoqué dans ses commentaires samedi les 5 milliards de dollars de pertes enregistrées par Postes Canada depuis 2018 et le déficit prévu de 1,5 milliard de dollars cette année pour justifier ces coupes. Ce prétendu gouffre financier, qui représente environ 25 cents par Canadien et par jour, est insignifiant par rapport aux sommes colossales que son gouvernement consacre au réarmement et à la guerre. En juin, Ottawa a augmenté les dépenses militaires de 9 milliards de dollars pour le seul exercice fiscal en cours, et s'est engagé à porter ensuite les dépenses globales de défense à 5 % du PIB, un chiffre astronomique qui permettra d'injecter des dizaines de milliards supplémentaires dans les préparatifs de la guerre impérialiste. Le fait qu'aucune dépense ne soit épargnée pour les forces armées alors que les services publics essentiels sont démantelés démontre les véritables priorités du gouvernement Carney et de l'élite patronale qu'il représente.
Saccage du service postal, suppression d'emplois et « amazonisation » de la main-d'œuvre
Le plan de transformation présenté par Lightbound reprend pratiquement toutes les revendications de longue date de la direction de Postes Canada. Dans un délai de 45 jours, la société doit présenter une stratégie de mise en œuvre qui supprimera la distribution à domicile pour les quatre millions de foyers qui en bénéficient encore, mettra en place des « boîtes aux lettres communautaires » à l'échelle nationale, mettra fin au moratoire sur la fermeture des bureaux de poste ruraux et suburbains et réduira la distribution du courrier de cinq jours par semaine à trois.
Les libéraux permettront également que le courrier non urgent soit transféré du transport aérien au transport terrestre, ce qui ralentira considérablement le service, et accorderont à la direction une nouvelle marge de manœuvre pour embaucher des travailleurs à temps partiel et augmenter plus rapidement le prix des timbres.
Ces mesures radicales, clairement considérées par la direction et le gouvernement comme un premier acompte, s'inspirent directement du rapport de la Commission d'enquête sur les relations de travail (CERT) truquée supervisée par William Kaplan, un médiateur/arbitre de confiance du gouvernement dont les recommandations ne sont qu'une copie conforme de ce qu’exige la direction.
La ministre de l'Emploi, Patty Hajdu, a réagi à la grève des postiers en demandant à Postes Canada de présenter sa « dernière offre » au STTP, tout en refusant d'exclure une nouvelle intervention du gouvernement. « Ce syndicat et cette entreprise doivent déterminer ensemble l'avenir de leur main-d'œuvre, a-t-elle déclaré, et la manière dont ils vont, ensemble, transformer Postes Canada en une société d'État viable et durable. Il n'y a pas de temps à perdre. »
La rhétorique moralisatrice de Hajdu pue l'hypocrisie.
Au cours des dix derniers mois, le gouvernement est intervenu à plusieurs reprises dans les négociations pour soutenir Postes Canada. Il a interdit la grève d'un mois en décembre 2024 avec la complicité du STTP, qui a ignoré la base qui souhaitait massivement défier l'utilisation draconienne par le gouvernement de l'article 107 du Code canadien du travail afin d'imposer la fin de la grève sans même un vote parlementaire.
L'interdiction empêchait la grève pendant cinq mois. Lorsque les travailleurs ont retrouvé leur droit de grève en mai, le STTP a saboté un débrayage national, appelant à la place à une interdiction des heures supplémentaires sans effet. Plus tard, Hajdu est intervenue directement pour forcer les postiers à voter sur les offres contractuelles de Postes Canada, pleines de reculs, qui ont été rejetées de manière décisive, 70 % des postiers urbains et ruraux ayant voté contre.
Aujourd'hui, encouragée par le plan de transformation du gouvernement, la direction a reporté la présentation de ses nouvelles offres, initialement prévue lundi, afin de pouvoir intégrer le cadre de restructuration imposé par les libéraux dans ses revendications.
L'attaque contre Postes Canada n'est pas simplement une guerre contre les travailleurs postaux. C'est une déclaration de guerre contre l'ensemble de la classe ouvrière. Des initiés tels que Ian Lee, professeur à l'université Carleton et ancien cadre de Postes Canada, ont ouvertement appelé à la suppression de 40 000 emplois et à la réduction de la société à un service restreint aux zones reculées.
Les travailleurs doivent prendre la lutte en main
Le Congrès du travail du Canada (CTC) a publié une déclaration démagogique dans laquelle il promet que les syndicats canadiens « seront toujours solidaires des travailleurs postaux ». Cependant, sa principale préoccupation est de défendre le partenariat corporatiste dont bénéficie le CTC avec le gouvernement libéral de Carney, dont il a célébré l'élection, et les grandes entreprises.
Ainsi, la déclaration du CTC a présenté la lutte des postiers en termes purement nationalistes, comme s'ils se battaient pour protéger « Équipe Canada ». La déclaration affirmait : « Leur combat est un combat pour l'avenir de nos services publics, de nos emplois et des institutions canadiennes qui unissent ce pays. »
Derrière cette rhétorique fallacieuse sur « l'unité nationale », le « soutien » du CTC vise à rediriger la colère des travailleurs vers des appels sans issue adressés au gouvernement même qui mène une guerre de classe acharnée contre eux au nom des grandes entreprises canadiennes. Ses appels à défendre les « institutions canadiennes » et « Équipe Canada » fournissent une couverture politique aux libéraux, qui utilisent depuis longtemps le nationalisme pour dissimuler leur programme anti-ouvrier. Lors des grèves de Postes Canada en 2018 et 2024, qui se sont toutes deux terminées par des ordonnances de retour au travail du gouvernement libéral, la soi-disant solidarité du CTC n'a été rien de plus qu'une sympathie verbale combinée à des efforts déterminés pour empêcher les postiers de lancer une véritable contre-offensive en mobilisant l'ensemble de la classe ouvrière à leur soutien.
L'histoire nous offre un avertissement sévère. En octobre 1978, lorsque les postiers ont courageusement défié une loi gouvernementale de retour au travail, le CTC a prononcé des paroles de soutien tout en assurant en privé au premier ministre libéral Pierre Trudeau qu'il ne lèverait pas le petit doigt pour les soutenir. Fort de ces assurances, le gouvernement s'est lancé dans une campagne de répression. Trudeau a menacé de licencier les postiers en masse, les bureaux du STTP ont été perquisitionnés et le président du STTP, Jean-Claude Parrot, a été arrêté et emprisonné.
Les postiers qui s'opposent aux libéraux de Carney doivent s'attendre à une réaction tout aussi hostile de la part de la bureaucratie du CTC aujourd'hui. Celle-ci est déterminée à empêcher que la lutte des postiers ne devienne le catalyseur d'une contestation massive de la classe ouvrière contre ses «partenaires » libéraux au gouvernement et contre le programme d'austérité, de réarmement et de guerre de la bourgeoisie canadienne.
Le STTP lui-même n'a émis que des dénonciations superficielles du projet du gouvernement de démanteler Postes Canada, accusant Ottawa d'avoir «failli à ses obligations envers le public ». Pourtant, le syndicat reste pleinement attaché au cadre de « négociation collective » pro- employeurs et n'a aucune intention de mener une véritable lutte. Son rôle est d’étouffer toute initiative des travailleurs de la base et de canaliser la lutte vers des appels stériles adressés au gouvernement même qui mène l'attaque.
Le syndicat est terrifié par l'exemple donné par les agents de bord d'Air Canada, qui ont ouvertement défié en août un ordre de retour au travail. Il craint une attitude militante de défi similaire parmi les postiers, qui pourrait échapper à son contrôle. C'est pourquoi le STTP ne propose aucune stratégie au-delà de négociations futiles et de protestations symboliques, alors même que le gouvernement se prépare à laisser la grève s'éterniser afin d'affamer les travailleurs et de les contraindre à abdiquer.
La seule perspective viable passe par l'initiative indépendante des travailleurs eux-mêmes. Dans une lettre adressée au WSWS, Daniel Berkley, facteur en grève et membre fondateur du Comité de base des travailleurs des postes (CBTP), explique :
« Plus de neuf mois après que notre grève ait été brusquement interrompue en décembre dernier par le gouvernement avec le soutien total du syndicat, le STTP a été contraint d'approuver une grève nationale. Le retour actuel aux piquets de grève a été déclenché par la base, et le refus de toute ordonnance de retour au travail du gouvernement dépendra également de l'action de la base. J'exhorte tous les travailleurs postaux à reconnaître que pour relier notre lutte à celle d'autres secteurs de travailleurs, il faudra que la base prenne l'initiative. Les travailleurs de Purolator, d'Amazon, d'UPS et même du service postal américain, entre autres, sont tous confrontés à des attaques similaires contre leurs conditions de travail et de vie. Nous pouvons et devons approfondir notre lutte, en nous positionnant comme le fer de lance d'un mouvement populaire de masse pour la défense de tous les services publics, du droit de grève et d'emplois sûrs et bien rémunérés. »
Berkley a souligné que pour que la lutte soit couronnée de succès, les postiers doivent prendre les choses en main en créant des sections du CBTP sur chaque lieu de travail et en reliant leur lutte à celle des travailleurs à travers le Canada et à l'échelle internationale. « Il est essentiel de s'allier à d'autres travailleurs à travers le Canada et à l'échelle internationale, non seulement pour lutter pour nos propres conditions de travail, mais aussi contre l'austérité capitaliste en général, et même contre la dictature et la guerre », a-t-il écrit.
Quelle que soit la stratégie finalement employée par le gouvernement pour briser la grève – qu'il s'agisse d'un ordre de retour au travail, d'affamer les travailleurs pour les contraindre à se soumettre à une grève prolongée ou d'une combinaison des deux –, son succès dépend entièrement de la complicité du STTP, du CTC et du reste de la bureaucratie syndicale pour isoler les travailleurs postaux. Pour ne citer qu'un exemple, les Teamsters jouent leur rôle en permettant à Purolator, une filiale de Postes Canada où ils représentent supposément les travailleurs, de briser la grève comme ils l'ont fait l'année dernière.
Face à cet ensemble de forces, la question centrale qui se pose aux postiers est de savoir comment élargir leur lutte. Il faut se préparer à défier toute loi de retour au travail, mais cela ne peut se faire de manière isolée. Il faut transformer la grève en une lutte de classe politique qui unira l'ensemble de la classe ouvrière contre le programme d'austérité du gouvernement Carney et le système capitaliste qu'il défend.
Le plan de transformation de Postes Canada est le fer de lance d'une offensive de la classe dirigeante visant à démanteler les services publics, à criminaliser les grèves et à détourner les ressources vers la guerre impérialiste. Pour résister à cette offensive, les postiers doivent retirer le contrôle de leur lutte des mains de l'appareil syndical et le placer entre les mains de leurs propres organisations démocratiques de lutte. Des comités de base doivent être créés dans chaque centre de tri, dépôt postal et bureau de poste.
Grâce à l'Alliance ouvrière internationale des comités de base, les postiers peuvent relier leur lutte à celle des travailleurs d'Amazon, des travailleurs de la logistique et des employés des postes à l'échelle internationale qui sont confrontés aux mêmes attaques. La tâche consiste désormais à transformer la grève en une lutte politique consciente contre le gouvernement Carney et le système capitaliste qu'il sert. Ce n'est qu'en poursuivant une telle stratégie que les postiers pourront défendre leurs emplois et leurs conditions de travail, garantir l'avenir des services publics et jeter les bases d'une réorganisation socialiste de la société.