Le chef du Parti des travailleurs de Grande-Bretagne, George Galloway, arrêté à Londres en vertu de la législation antiterroriste

George Galloway et son épouse, Putri Gayatri Pertiwi, ont été arrêtés par des agents du Commandement antiterroriste à l'aéroport de Londres-Gatwick samedi matin. Âgé de 71 ans, Galloway est le chef du Parti des travailleurs de Grande-Bretagne, dont son épouse est vice-présidente. Actif en politique depuis plus de 50 ans, ancien député travailliste, Galloway a été élu sept fois au Parlement dans cinq circonscriptions différentes.

Le couple a été appréhendé après avoir visité la Russie et être rentré au Royaume-Uni par un vol en provenance d'Abou Dhabi.

Galloway et son épouse ont été détenus plusieurs heures avant d'être libérés sans inculpation. S'exprimant sur cet événement lors de son talk-show en ligne dimanche soir, Galloway a déclaré qu'ils avaient été interrogés « dans toutes les directions », notamment sur « votre attitude face au conflit à Gaza ; qui vous a convaincus de ce point de vue ; pourquoi admirez-vous M. Lavrov ? [Le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov] ; pourquoi êtes-vous si amical envers la Chine ? » On a demandé à Gayatri pourquoi un ongle avait été peint aux couleurs du drapeau palestinien.

George Galloway lors de son talk-show dimanche soir au sujet de sa détention et de celle de sa femme, Putri Gayatri, en vertu de la législation antiterroriste [Photo: screenshot of video/George Galloway/YouTube]

Galloway a déclaré que rien de tout cela n’avait « à voir avec le terrorisme» et qu’«il n’y a qu’une seule raison pour laquelle ils nous ont détenus là-bas, en vertu de cette législation, c’était pour avoir accès à nos communications».

Du matériel électronique, dont un téléphone, a été confisqué. Galloway a reçu l'ordre de révéler le code d'accès d'un téléphone qui ne lui appartenait pas, mais il a déclaré à la police : « Je n'ai pas le mot de passe, mais si je l'avais, je ne vous le donnerais pas. »

Après avoir été informé que cela constituerait une infraction, Galloway a déclaré que, jusqu'à l'année dernière, il était député et «en possession d'une importante correspondance confidentielle concernant ses administrés». En tant que journaliste et présentateur, ainsi que chef d'un parti politique britannique, il a déclaré aux policiers avoir «des contacts, des sources au sein même de la police, des services de sécurité […] J'ai des contacts dans la fonction publique, au Parlement, et même au gouvernement. Croyez-vous vraiment que je vous trahirais mes sources?»

En raison de sa détention, il avait «raté le discours qu’[il] devait prononcer lors d'une réunion dans le centre de Londres en présence, entre autres, de l'ambassadeur de la […] République populaire de Chine».

Galloway et Gayatri ont été arrêtés en vertu de l'annexe 3 de la loi de 2019 sur la lutte contre le terrorisme et la sécurité des frontières, qui autorise les policiers à arrêter, interroger, fouiller et détenir une personne dans une zone frontalière pour déterminer si elle s'est livrée à une « activité hostile» dirigée contre le Royaume-Uni.

La législation, un fourre-tout, définit une «activité hostile» comme tout ce qui «menace la sécurité nationale, menace le bien-être économique du Royaume-Uni d’une manière qui touche aux intérêts de la sécurité nationale, ou constitue un acte délictuel grave».

Pour garantir que littéralement n’importe qui puisse être détenu, la loi stipule: «il est sans importance (i) qu’une personne soit consciente que l’activité dans laquelle elle est ou a été engagée est une activité hostile, ou (ii) qu’un État pour ou au nom duquel, ou dans l’intérêt duquel, un acte hostile est exécuté, ait incité, sanctionné ou soit autrement au courant de l’exécution de l’acte».

Conformément au régime d’État policier que le gouvernement travailliste exerce contre les opposants à l’austérité et à la guerre, l’annexe 3 permet aux agents de police, d’immigration et des douanes désignés dans les ports et les zones frontalières d’arrêter et d’interroger des individus sans même un soupçon préalable d’implication dans une «activité hostile».

Seuls les faits les plus élémentaires ont été initialement révélés concernant les circonstances ayant conduit à l'arrestation de Galloway et de son épouse. Un porte-parole de la police métropolitaine a déclaré au journal Herald : « Nous pouvons confirmer que, le samedi 27 septembre, les agents antiterroristes de l'aéroport de Gatwick ont interpellé un homme septuagénaire et une femme quadragénaire en vertu de l'annexe 3 de la loi de 2019 sur la lutte contre le terrorisme et la sécurité des frontières. »

«Aucun d’eux n’a été arrêté et ils ont été autorisés à poursuivre leur route.»

Les pouvoirs conférés à la police en vertu de l'annexe 3 de la loi de 2019 sur la lutte contre le terrorisme et la sécurité des frontières et de l'annexe 7 de la loi de 2000 sur le terrorisme comptent parmi les plus draconiens jamais adoptés. Le Bureau du Commissaire aux pouvoirs d'enquête (initiales anglaises IPCO) a noté, à propos de l'annexe en vertu de laquelle Galloway avait été détenu, que « ces pouvoirs permettent également à un agent chargé de l'enquête de conserver, de copier, d'utiliser et de détruire un article trouvé lors d'une perquisition. »

« Le Commissaire aux pouvoirs d'enquête (initiales anglaises IPC) peut autoriser la conservation et l'utilisation d'un article découvert lors d'une perquisition. Cela inclut la conservation et l'utilisation d'une copie d'un article contenant ou contenant des informations confidentielles. L’IPC peut également autoriser la destruction de ces articles. Il examine également l'application du Règlement et en rend compte. »

L'attaque contre Galloway et son épouse représente une intensification de l'offensive massive contre les droits démocratiques en Grande-Bretagne menée par le gouvernement travailliste de Keir Starmer. Des lois antiterroristes et d'autres lois draconiennes ont été utilisées contre d'autres personnalités politiques et journalistes, notamment l'ancien diplomate britannique Craig Murray et les journalistes Kit Klarenburg et Richard Medhurst. Cependant, Galloway est de loin la figure anti-guerre la plus connue en Grande-Bretagne. Il compte un million d'abonnés sur Facebook, plus de 800 000 abonnés sur X et un talk-show hebdomadaire en ligne suivi par des centaines de milliers de personnes.

Galloway est un partisan du nationalisme populiste, ayant déjà brigué l'investiture du Parti du Brexit de Nigel Farage. Ayant débuté sa carrière politique sous l'influence du Stalinisme, il prône une alliance «gauche-droite» fondée sur la défense des intérêts de l'impérialisme britannique par la recherche d'alliances multipolaires avec la Russie et la Chine pour contrer l'impérialisme américain.

Mais depuis plusieurs décennies il obtient du soutien dû à son opposition aux guerres impérialistes en Irak et en Afghanistan, et est un fervent adversaire de la guerre par procuration menée par l'OTAN contre la Russie en Ukraine. Cela le place dans le collimateur de la police politique britannique dans un contexte de campagne belliciste hystérique menée par le Royaume-Uni et d'autres puissances européennes, ciblant avant tout la Russie, mais aussi la Chine.

Depuis début juillet, plus de 1 600 manifestants pacifiques ont été arrêtés en vertu de l'article 13 (1) de la loi antiterroriste de 2000 pour avoir exprimé leur opposition à l'interdiction du groupe d'action directe pacifique Palestine Action. La répression s'est poursuivie dimanche, avec l'arrestation de dizaines de personnes lors d'une manifestation à Liverpool, organisée à l'occasion du début du congrès du Parti travailliste dans la ville. Elles ont été arrêtées en vertu de la loi antiterroriste pour avoir brandi des pancartes sur lesquelles était écrit : « Je m'oppose au génocide, je soutiens Palestine Action ». Des arrestations qui font partie des efforts continus visant à criminaliser l'opposition au génocide perpétré par Israël à Gaza.

L'annexe 3 de la loi de 2019 sur la lutte contre le terrorisme et la sécurité des frontières a été promulguée en février 2019, suite à la campagne hystérique menée contre la Russie suite à l'affaire de Salisbury (article en anglais). Le gouvernement conservateur de Theresa May, alors soutenu par l'aile droite du Parti travailliste, dans l'opposition, avait affirmé que le gouvernement Poutine avait envoyé des agents en Grande-Bretagne pour empoisonner l'agent double Sergueï Skripal et sa fille Ioulia.

Des preuves écrites soumises en 2020 à une commission parlementaire par le professeur émérite Clive Walker soulignaient : « L’annexe 3 est si vague qu’on pourrait soutenir qu’elle manque de “légalité” au sens de la Convention européenne des droits de l’homme. Le terme “activité hostile” n’a pas été utilisé au Royaume-Uni en dehors de la législation relative à la guerre, comme la Loi sur la défense civile de 1939 et la Loi sur les Conventions de Genève de 1957. » (italiques ajoutés)

(Article paru en anglais le 29 septembre)

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