Les États-Unis financent le régime fasciste de Milei avant les élections argentines

Le président Donald Trump serre la main du président argentin Javier Milei à New York, le 23 septembre [Photo: White House]

Le secrétaire américain au Trésor, Scott Bessent, a annoncé mercredi un éventuel accord d'échange de devises de 20 milliards de dollars avec le gouvernement du président fasciste Javier Milei en Argentine, un acte éhonté d'ingérence électorale.

En utilisant les fonds de l’État américain pour soutenir un régime dont le soutien s’effondre à l’approche des élections législatives d’octobre 2025, jetant déjà une ombre sur la présidentielle de 2027, Bessent n’a pas tergiversé en qualifiant l’intervention « d’ approbation» directe de Milei.

La cote de popularité du président argentin est tombée en dessous de 40 pour cent pour la première fois ce mois-ci, en raison d'un scandale de corruption impliquant des pots-de-vin versés à sa sœur par l'intermédiaire de l'Agence nationale pour les personnes handicapées.

Pour l'Argentine, l'échange implique que le Trésor américain transfère des dollars américains à la banque centrale argentine, l'Argentine fournissant des pesos en échange. Cela constitue une ligne de crédit ou un soutien aux liquidités : l'Argentine a ainsi accès aux dollars dont elle a désespérément besoin pour payer ses dettes et ses importations, et pour éviter une ruée monétaire.

Bessent a confirmé que le gouvernement Trump se préparait également à racheter des obligations souveraines argentines et à fournir un financement d'urgence massif via le Fonds de stabilisation des changes (initiales anglaises ESF) américain. Créé en 1934, l'ESF est une caisse noire du Trésor américain destinée à intervenir sur les marchés des changes et des obligations afin de « soutenir les économies alliées » et d'« atténuer les instabilités monétaires », notamment en situation de crise, comme lors de l'échange de 20 milliards de dollars accordé au Mexique lors de la ‘crise Tequila’ en 1995.

Chaque aspect de l’accord américano-argentin est caractérisé par une ingérence politique flagrante au nom de «réformes du marché», avec pour objectif principal de réaffirmer le contrôle impérialiste américain face à l’influence croissante de la Chine sur le continent.

Cette intervention doit être lue dans le contexte des menaces de plus en plus ouvertes de représailles économiques, voire militaires, proférées par Washington contre les gouvernements d'Amérique latine s’ils opposaient la moindre résistance à sa domination. Parmi celles-ci figurent de nouvelles sanctions et taxes douanières contre le gouvernement de Lula da Silva au Brésil suite à la condamnation de Jair Bolsonaro, allié de Trump, ainsi qu'un renforcement de son dispositif militaire dans les Caraïbes visant à orchestrer un putsch ou une intervention militaire contre le gouvernement vénézuélien de Nicolás Maduro.

Les mesures « toutes options pour la stabilisation » de Bessent visent clairement Pékin. L'échange de devises est explicitement conditionné à une lutte contre « l'ingérence de la Chine sur le territoire », selon des responsables de Casa Rosada cités par les médias argentins. Les menaces voilées de Bessent incluaient des clauses visant à suspendre les accords financiers entre Buenos Aires et Pékin, exigeant de facto que Milei rompe la ligne d'échange de 20 milliards de dollars de l'Argentine avec la Chine, qui reste partiellement active dans une économie sous assistance financière.

Des discussions sont également en cours sur une nouvelle législation permettant l'entrée de nouvelles troupes étrangères (c'est-à-dire américaines), approfondissant ainsi le processus déjà avancé de transformation de l'Argentine en avant-poste de l'impérialisme américain dans le Cône Sud de l'Amérique latine.

Les critiques élogieuses de Bessent sur le bilan de Milei – insistant pour dire que l’Argentine faisait « un travail fantastique » et que sa «large libéralisation des prix» et sa « déréglementation» constituaient «des avancées importantes vers la stabilisation» – sont manifestement absurdes lorsque confrontées à la réalité du désastre financier croissant de l’Argentine.

Loin de stabiliser quoi que ce soit, la «thérapie de choc» de Milei a frappé la classe ouvrière d'une austérité sans précédent : effondrement des salaires, forte récession, licenciements collectifs, coupes dans les dépenses sociales et flambée de la pauvreté, le tout dans un contexte de réserves monétaires « à un niveau critique » reconnu par le FMI. La semaine dernière seulement, la banque centrale a dépensé 1,1 milliard de dollars de réserves en trois jours pour soutenir le peso, suite à une nouvelle vague de dévaluations, quelques mois seulement après que Milei a assoupli le contrôle des changes conformément aux diktats du FMI.

Bien que l'engagement des États-Unis ait brièvement stabilisé le peso (aujourd'hui en hausse d'environ 7 pour cent par rapport au dollar), les commentateurs financiers ont averti que la stabilisation serait éphémère sans une amélioration radicale des fondamentaux de l'Argentine, qui restent cruellement négatifs.

Il ne s'agit pas seulement d'une question d’« âmes sœurs » entre Trump et Milei. Wall Street dans son ensemble a apporté son soutien à Washington, la Banque mondiale accélérant l'octroi de 4 milliards de dollars de nouveaux prêts (sur un budget de 12 milliards de dollars) pour les secteurs miniers, des minerais essentiels, du tourisme et des infrastructures énergétiques. La Banque inter-américaine de développement (BID) a annoncé simultanément 2,9 milliards de dollars pour les « réformes structurelles » et 1 milliard de dollars supplémentaire pour les « secteurs stratégiques ».

Pendant ce temps, le FMI, déjà engagé dans son plus grand programme de 44 milliards de dollars avec l'Argentine, a fait preuve de flexibilité sur les objectifs techniques en raison de la suppression des salaires et des dépenses sociales par Milei, même si les réserves se situent à des niveaux «extrêmement faibles».

Toutes ces largesses et ces «réformes» ont un prix: l’application sans réserve du fondamentalisme de marché, la transformation de la classe ouvrière argentine en cas test pour la région, et l’ouverture de l’Argentine à de nouveaux pillages par les sociétés transnationales, en premier lieu par les intérêts américains et alliés.

Cette convergence entre la finance et la réaction autoritaire fut mise en évidence lorsque Milei reçut le Global Citizen Award de l'Atlantic Council lors d'un gala au centre-ville de New York, où il fit haut et fort l’éloge de la rhétorique autoritaire de Trump et de ses attaques contre les immigrants.

L'accord avec Trump a eu lieu lors d'une réunion en marge de l'Assemblée générale des Nations Unies, où Milei a dénoncé «l'escalade inadmissible de la violence politique de gauche à l'échelle mondiale», imitant le discours fasciste prononcé par Trump. Ces démonstrations ne sont pas de simples affinités ; elles témoignent d'une unification des méthodes de Wall Street et de ses intermédiaires politiques.

Ce soutien massif est la preuve la plus flagrante de l'élévation par Trump – et par extension par la classe dirigeante américaine – du «loco» [fou] Milei au rang d'«allié systématiquement important», selon les termes de Bessent. Il s'agit de la formation d'un axe de régimes autoritaires fragiles, implacablement déterminés à écraser l'opposition de la classe ouvrière, du Sud jusqu’à Washington.

Après tout, l’intervention américaine en Argentine vise en partie à enrayer la chute de confiance dans le dollar américain même – une confiance qui sous-tend la capacité à continuer d’accroître la dette fédérale gargantuesque des États-Unis pour financer la guerre et les renflouements des riches.

En Argentine, l'objectif est de soutenir la poursuite de l'austérité et des politiques autoritaires du gouvernement Milei. Ce dernier a opposé à plusieurs reprises son veto à l'augmentation du budget des retraites et des universités, tout en poursuivant, criminalisant et réprimant les manifestations de masse.

Alors que Bessent faisait son annonce mercredi, la police argentine a lancé un nouvel assaut brutale contre des retraités qui manifestaient devant le Congrès argentin, faisant dix blessés parmi les manifestants. Ces deux dernières semaines ont été marquées par des manifestations de masse répétées contre les vetos de Milei, dans le contexte de manifestations similaires contre les gouvernements d'extrême droite en Équateur et au Pérou.

Les méthodes violentes et dictatoriales actuellement mises au point à Buenos Aires sont destinées à être utilisées contre toute opposition, y compris aux États-Unis. Milei a orchestré une campagne qui promeut l'héritage de la dictature de 1976-1983, dont les méthodes de torture et de massacres ont tué au moins 30 000 travailleurs, étudiants et opposants argentins au régime militaire.

Alors que Trump avance vers l’instauration d’une dictature présidentielle fondée sur l’appareil militaro-policier, l’énorme soutien politique et désormais financier accordé à Milei est un avertissements des plus alarmants pour la classe ouvrière américaine quant au soutien pour de telles méthodes brutales d’autoritarisme fasciste.

Toutes ces manœuvres indiquent que Washington est déterminé à préserver le pouvoir de Milei à tout prix. Mais le fait que les péronistes aient retrouvé un nouveau souffle en se présentant comme une «opposition» à la catastrophe organisée par Milei ne peut être interprété que comme le résultat du soi-disant «Front de gauche et des travailleurs» (initiales espagnoles FIT-U), dont les groupes disparates continuent de jouer leur rôle traditionnel d’orienter la colère des masses vers l'impasse des illusions dans le péronisme, l'instrument traditionnellement privilégié du pouvoir capitaliste en Argentine, et en servant de tampon politique au système capitaliste même.

Les mesures exigées par la Maison Blanche et le FMI ne peuvent qu'engendrer une crise politique plus profonde encore, des explosions sociales et des grèves de masse. Mais la seule façon de s'opposer à l'assaut lancé contre les droits sociaux et démocratiques, dirigé par Milei et Trump, est de mobiliser les travailleurs indépendamment de tous les partis politiques pro-capitalistes, des bureaucraties syndicales et de leurs apologistes de la pseudo-gauche, sous forme d'une lutte internationale de la classe ouvrière pour le socialisme.

(Article paru en anglais le 26 septembre 2025)

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