Perspective

Le Seigneur de la rodomontade accueille en Écosse les flagorneurs Starmer et Von der Leyen

Le président Donald Trump, à droite, et le Premier ministre britannique Keir Starmer arrivent au Trump International Golf Links, près d'Aberdeen, en Écosse, le lundi 28 juillet 2025. [AP Photo]

« Je n'ai jamais vu de jour si sombre ». Cette réplique est tirée du Macbeth de Shakespeare, mais elle pourrait tout aussi bien décrire le brouillard de vanité et de menace qui entourait la récente visite de Donald Trump au Royaume-Uni. Moins un personnage tragique sorti des œuvres de Shakespeare qu'un chef de mafia bravache sorti d'un film de gangsters de Scorsese, Trump a tenu sa cour sur les pelouses impeccables de son golf écossais de Turnberry – son Dunsinane personnel [colline et château de Macbeth], agrémenté de fosses de sable et de villas du service secret payées par le contribuable.

Avec un air menaçant déguisé en diplomatie, Trump a convoqué la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen et le Premier ministre britannique Keir Starmer en terrain privé – au sens propre comme au figuré. Le rituel comprenait non seulement poignées de main et sourires forcés, mais encore des éloges fastueux sur le génie des affaires de Trump et la splendeur de son parcours de golf, tout cela dit avec l'enthousiasme d'otages lisant une demande de rançon. On aurait presque pu entendre le son des cornemuses jouant « Gloire au chef (PDG) » tandis que l’avion Air Force One projetait son ombre sur le green.

Le président américain a commencé ses réunions par des parties de golf, entouré d'une presse obséquieuse, qui a diffusé chacune de ses déclarations ignorantes, comme sa demande aux dirigeants européens («Sur l'immigration, vous feriez mieux de vous ressaisir. Vous n'aurez plus d'Europe.») et son discours absurde contre les éoliennes – appelées «moulins à vent» – qui «ruinent vos beaux champs et vallées et tuent vos oiseaux».

De telles grotesqueries ne doivent cependant pas masquer l’importance des questions discutées entre Trump, von der Leyen et Starmer, qui représentent une grave menace pour les travailleurs du monde entier.

La réunion de 40 minutes de Trump avec von der Leyen a servi à annoncer un accord commercial entre les États-Unis et l'UE qui constituait une implacable affirmation des intérêts impérialistes américains aux dépens des puissances rivales.

On a tenté de présenter l'accord comme un compromis mutuellement convenu, un recul par rapport à la menace antérieure de droits de douane américains de 30 pour cent sur les produits européens. En réalité, Trump a contraint von der Leyen à accepter des droits de douane de 15 pour cent sur tous les produits européens (contre 2,5 pour cent en moyenne actuellement) et le maintien des 50 pour cent appliqués à l'acier et à l'aluminium. À cela s'ajoute l'engagement de l'Europe d'investir 600 milliards de dollars aux États-Unis et d'effectuer des achats pour 750 milliards de dollars durant le mandat de Trump. En contrepartie, l'UE s'est engagée à ne prendre aucune contre-mesure visant les États-Unis.

Comme le montre clairement la réaction indignée de larges pans de l'élite dirigeante européenne, notamment française, cette décision est perçue comme un coup dur porté à leurs propres intérêts impérialistes. Elle ne peut être qu'une étape dans une guerre commerciale qui s'intensifie et menace de détruire des centaines de milliers, voire des millions d'emplois des deux côtés de l'Atlantique.

Les gouvernements européens ont été contraints de rester sur la défensive, en grande partie par crainte d'une accélération de la guerre commerciale. Mais aussi parce qu'ils sont déterminés à garder le soutien américain à la guerre menée par l'OTAN contre la Russie en Ukraine, qu'ils sont actuellement incapables de continuer seuls.

Trump a déjà contraint les Européens à financer la dernière tranche d'armes américaines livrées à l'Ukraine. Les centaines de milliards d'euros promis par l'UE dans le cadre de l'accord commercial comprennent des équipements militaires et des combustibles fossiles.

L'Ukraine était au cœur des préoccupations de Starmer quand il s’est envolé pour Turnberry lundi après-midi, affichant une attitude servile même par rapport à ce qu’il présente d’habitude. Au cours de deux séances avec les médias, il a sans aucun doute été ravi d'entendre Trump se dire «très déçu» par le président russe Vladimir Poutine et préciser qu’au lieu des 50 jours donnés pour arriver à un accord de cessez-le-feu en Ukraine avant d'appliquer des sanctions américaines, il ne lui en donnait désormais que «10 ou 12».

Le plus menaçant politiquement pour Starmer était de savoir comment concilier sa détermination à préserver les relations avec l’impérialisme américain et ses tentatives de gérer la colère populaire massive face à l’aggravation du génocide israélien à Gaza.

Il a été contraint de déclarer à un moment donné : « Les gens se sont révoltés contre ce qu’ils voient sur leur écran. » La semaine dernière, son gouvernement était l’un des 28 signataires d’une lettre affirmant : « La guerre à Gaza doit cesser immédiatement. » Et il a rejoint la France et l’Allemagne en publiant une déclaration distincte appelant Israël à « lever immédiatement les restrictions sur l’aide humanitaire. » Starmer a rappelé son cabinet travailliste de ses vacances d’été pour formuler une réponse à la campagne délibérée de famine menée par Israël.

Trump a donné très peu de marge de manœuvre à Starmer pour se soustraire à la responsabilité du génocide dont lui, son gouvernement et tous ses homologues européens et internationaux sont directement responsables. Interrogé pour savoir s’il était d’accord avec Netanyahou pour dire qu'il n'y avait pas de famine à Gaza, le président américain a répondu qu'il n'était pas d'accord avec « Bibi » et que ce qui se passait à Gaza était « une véritable famine ». Il a ajouté que l'Amérique « donnait beaucoup d'argent et de nourriture » et qu'il serait « appréciable d'être remercié », avant de répéter l'excuse mensongère d'Israël qu’« une grande partie de cet argent est volée par le Hamas, et une grande partie de la nourriture est volée ».

Affirmant qu'il «parlait à Bibi Netanyahou et [qu’ils] élaboraient divers plans», Trump a ajouté que «le Hamas était devenu très difficile à gérer ces derniers jours car il ne veut pas livrer ces 20 derniers [otages]». Il a imputé cela à l'Iran qui «disait au Hamas et lui donnait des signaux et des ordres», et a menacé Téhéran que si ce dernier relançait son programme nucléaire, « nous l'éliminerons plus vite que vous ne pouvez le montrer du doigt».

Starmer s'est alors contenté de répéter faiblement la position de la lettre des 28 chefs d'État, félicitant Trump de ses efforts pour obtenir un cessez-le-feu.

Derrière les efforts désespérés de Starmer pour apaiser Trump il y a une tentative de préserver les intérêts de l'impérialisme britannique. Quelle que soit l'impression que von der Leyen a voulu donner d'un apaisement des antagonismes entre l'Europe et l'Amérique, ces conflits s'intensifient inexorablement alors que l'impérialisme américain prend la tête d’un conflit mondial pour un nouveau partage du monde et de ses ressources.

Starmer, à l'instar de son prédécesseur Tony Blair, qui qualifiait la Grande-Bretagne de « pont » transatlantique, s'efforce toujours de maintenir un équilibre entre l'Europe et l'Amérique. Depuis la Seconde Guerre mondiale, Londres s'appuie sur sa «relation privilégiée » avec Washington, obtenue grâce à son rôle d'allié économique et militaire le plus fidèle, pour garantir les investissements américains en Grande-Bretagne et l'accès aux marchés américains, faire contrepoids à la domination allemande et française sur l'Europe – son principal partenaire commercial – et, plus généralement, promouvoir ses intérêts internationaux.

Le communiqué de presse du gouvernement britannique sur la réunion avec Trump se vantait en conséquence: «Le Royaume-Uni et les États-Unis ont l’une des alliances les plus étroites et les plus productives que le monde ait connue, travaillant ensemble pour coopérer en matière de défense, de renseignement, de technologie et de commerce.»

Avec un hochement de tête moqueur vis à vis de l'UE, il ajoutait: «Le Royaume-Uni a été le premier pays à conclure un accord avec les États-Unis abaissant les droits de douane sur des secteurs clés et a obtenu l'un des taux de taxes douanières réciproques les plus bas au monde.»

À ce propos, Trump a jeté quelques friandises, happées par Starmer. Après leur conférence de presse à Turnberry, les deux hommes se sont envolés ensemble à bord d'Air Force One vers le parcours de golf suivant, le Trump International Scotland, pour un entretien privé avec des dirigeants du secteur pétrolier.

Les grandes tournées du président américain et les flatteries de divers chefs d'État et des médias continueront. Il reviendra bientôt au Royaume-Uni pour une deuxième visite d'État sans précédent, où il sera flatté par la compagnie du roi décrépit Charles III. Ce qui est essentiel pour la classe ouvrière c’est de savoir percer à jour ces mascarades.

Aucun manœuvre diplomatique n'arrêtera la descente toujours plus radicale des gouvernements impérialistes dans la guerre commerciale et la guerre militaire, dont le programme brutal est écrit dans le sang des Palestiniens. Pour la stopper, il faut la mobilisation politique indépendante de la classe ouvrière européenne, américaine et internationale, unifiée dans un mouvement anti-guerre socialiste.

(Article paru en anglais le 29 juillet 2025)

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