Le WSWS publiera tout au long de la semaine d'autres documents et rapports issus de l'audience de l'IWA-RFC sur la mort de Ronald Adams. Pour participer à l'enquête, remplissez le formulaire au bas de cette page.

Le dimanche 27 juillet, une centaine de travailleurs et de jeunes ont assisté à la première audience publique organisée par l'Alliance ouvrière internationale des comités de base (IWA-RFC) dans le cadre de son enquête sur la mort de l'ouvrier automobile Ronald Adams. Cet ouvrier qualifié de 63 ans a été tué le 7 avril au Stellantis Dundee Engine Complex lorsqu'un pont roulant s'est soudainement mis en marche et l'a écrasé.

La réunion s'est tenue au campus Marygrove, dans le quartier Bagley de Detroit, où Ronald Adams a grandi et où sa famille vit toujours. Parmi les participants figuraient la veuve d'Adams, Shamenia Stewart-Adams, d'autres membres de sa famille et des travailleurs de l'usine de Dundee qui ont bravé la menace de représailles pour y assister. Ils ont été rejoints par des travailleurs de l'automobile d'autres usines de la région, ainsi que par des postiers, des enseignants, des étudiants et des habitants du quartier.

L'audience a constitué une réponse forte des travailleurs de la base au silence observé pendant des mois par Stellantis, le syndicat United Auto Workers (UAW) et les responsables de la sécurité de l'État. Elle s'est conclue par l'adoption à l'unanimité d'une résolution visant à poursuivre et à élargir l'enquête, à soutenir d'autres victimes de dangers professionnels et à créer des comités de base pour faire respecter des conditions de travail sûres dans le cadre d'une campagne internationale visant à mettre fin au sacrifice de la vie des travailleurs pour le profit.

Lawrence Porter, dirigeant du Parti de l’égalité socialiste et ancien ouvrier automobile, a présidé la réunion. Il a dénoncé le système capitaliste qui considère les 140 000 décès annuels de travailleurs américains dus à des blessures traumatiques et à des maladies professionnelles comme un simple « coût des affaires ». Il a comparé la mort de Ronald Adams à d'autres tragédies évitables, notamment le meurtre d'Antonio Gaston au Toledo Assembly Complex et celui de Brayan Canu Joj, 19 ans, tué dans un hachoir à viande dans une usine de burritos en Californie.

Ces décès, a déclaré Porter, sont des « victimes de la guerre de classe », qui touchent les travailleurs de toutes origines raciales, nationalités et genres. «Nous sommes ici pour lancer un appel : la vie des travailleurs compte ! », a-t-il déclaré, sous les applaudissements du public.

Will Lehman, travailleur chez Mack Trucks, candidat socialiste à la présidence de l'UAW en 2022 et membre éminent de l'IWA-RFC, a souligné l'importance plus large de l'audience. « Cette audience ne vise pas seulement à examiner les circonstances d'un décès », a-t-il déclaré. « Notre objectif n'est rien de moins que de mettre fin aux conditions mortelles imposées aux travailleurs dans les usines et les lieux de travail du monde entier. »

Adams, a déclaré Lehman, était connu comme le « protecteur de l'usine », mais aucun travailleur ne peut garantir la sécurité « dans un système où le profit prime sur la vie humaine ». Il a cité des catastrophes mortelles tout au long de l'histoire, de la catastrophe minière de Courrières en France, qui a tué 1100 mineurs, à l'incendie de la Triangle Shirtwaist en 1911, en passant par l'incendie d'une usine de jouets en Thaïlande en 1993 et l'effondrement d'un immeuble au Bangladesh en 2013, qui a tué plus de 1100 travailleurs du textile. Il a souligné que toutes ces catastrophes étaient le résultat de la priorité accordée au profit des entreprises au détriment de la vie humaine.

Lehman a exhorté les travailleurs à rejeter tout sentiment d'impuissance. «Nous devons reconnaître que le danger de notre inaction est plus grand que celui d'agir dans notre intérêt », a-t-il déclaré. Il a appelé à la création de comités de sécurité dotés d'une réelle autorité dans chaque usine, dans le cadre d'une lutte plus large pour le contrôle des travailleurs sur la production.

Shamenia Stewart-Adams a reçu une ovation debout lorsqu'elle s'est adressée à la foule, les membres de sa famille se tenant derrière elle. « Je me tiens devant vous aujourd'hui non seulement en tant qu'épouse en deuil, mais aussi en tant que porte-parole de toutes les mères, de toutes les épouses, de toutes les familles qui ont vu leurs proches partir travailler, convaincus qu'ils rentreraient sains et saufs à la maison », a-t-elle déclaré.

Elle a poursuivi : « Je n'ai reçu aucune réponse de la MIOSHA [l'administration chargée de la sécurité et de la santé au travail dans le Michigan] ni de l'UAW. Pas une lettre, pas un appel, pas un seul mot expliquant pourquoi ou comment cela s'est produit [...] Notre famille mérite de connaître la vérité, et nous exigeons la vérité, non seulement pour moi-même et nos enfants, mais pour toutes les familles qui souffrent en silence.»

Elle a imploré les collègues d'Adams de se manifester. « Je sais que certains d'entre vous ont été menacés [...] Mais je vous demande de tout mon cœur de trouver le courage de vous manifester », a-t-elle déclaré. « Car ce qui est arrivé à mon mari peut se reproduire, à n'importe lequel d'entre vous. »

Un message audio a suivi, provenant de « John », un travailleur de Dundee qui a été blessé au travail. Il a décrit le « chaos » qui éclate au début d’une nouvelle production, lorsque « la sécurité est mise de côté ». Avant son accident, a-t-il déclaré, ses plaintes répétées ont été ignorées tant par le syndicat que par la direction. « Nous sommes comme des esclaves », a-t-il ajouté.

John a évoqué l'engagement profond d'Adams en faveur de la sécurité et son expertise en tant que mécanicien aéronautique qualifié. « Il n'a jamais dit : “Nous pouvons contourner [un verrouillage].” Je n'ai jamais vu Ronnie entrer dans une cage en sachant qu'elle était sous tension », a-t-il déclaré. Il a appelé à soutenir l'enquête de l'IWA-RFC, déclarant : « Le syndicat est de mèche avec la direction [...] Cela doit cesser [...] Si nous étions aux commandes, nous, les travailleurs, nous arrêterions la chaîne. »

Le journaliste du WSWS Jerry White a présenté un exposé détaillé sur les conclusions de l'IWA-RFC, tirées de dizaines d'entretiens avec des travailleurs de Dundee, des membres de leur famille et des experts en sécurité. Il a cité le rapport d'autopsie d'Adams, obtenu uniquement grâce à une demande en vertu de la loi sur la liberté d'information, qui a révélé des blessures catastrophiques que White a comparées à « un accident d'avion ou une explosion au combat ».

White a rapporté qu'un programmeur de Fives Cinetic, qui avait travaillé directement avec Adams sur le système de portique de lavage, avait déclaré qu'Adams connaissait la machine « depuis le début ». Le programmeur a émis l'hypothèse que pendant la maintenance, le portique avait peut-être reçu un faux signal indiquant que la machine de nettoyage était prête, déclenchant ainsi le mouvement fatal. Malgré cette information cruciale, White a noté que le programmeur « n'a jamais été interrogé par Stellantis, l'UAW ou le MIOSHA ».

Plusieurs travailleurs ont rapporté que les protections de verrouillage étaient régulièrement contournées à l'aide de « clés de triche » distribuées par la direction. « Cette usine enfreint constamment ses propres politiques de sécurité pour accélérer la production », a déclaré un travailleur, cité par White. Après la mort d’Adams, la direction a ordonné la restitution des clés de triche, sous peine de licenciement.

White a montré des courriels internes envoyés à l'IWA-RFC par des travailleurs, exigeant la restitution des clés de triche. Il a cité un ancien responsable de l'OSHA qui a déclaré à l'IWA-RFC : « Il semble que Dundee n'avait pratiquement aucun système de verrouillage fonctionnel. Il s'agit d'une violation délibérée, et si un nombre suffisant de clés de triche était en circulation, cela s'apparente à de la négligence criminelle. »

Max, ouvrier automobile et membre de l'IWA-RFC, a parlé avec passion du coût psychologique des conditions de travail dangereuses. « Ronnie n'est pas mort à cause d'un accident », a-t-il déclaré. « Il est mort parce que le système dans lequel nous vivons privilégie le profit au détriment des personnes [...] Nous devons faire respecter nos propres conditions de sécurité dans les ateliers de chaque usine. »

Ruth, une postière qui s'est rendue à l'audience depuis la Pennsylvanie, a établi un lien entre la mort d'Adams et les conditions mortelles auxquelles sont confrontés les travailleurs de l'USPS. « Nous avons perdu quatre confrères à cause de blessures liées à la chaleur, dont trois cette année seulement », a-t-elle déclaré. « La température dans les camions atteint 53 °C. » Elle a ajouté : « Nous devons être la voix de Ron Adams et de tous les autres travailleurs [...] Nous devons faire entendre davantage notre voix pour la justice et la vérité. »

Un moment fort de l'événement a été la lecture de messages de travailleurs du monde entier, notamment un enregistrement audio d'ouvriers de l'automobile au Mexique exprimant leur soutien à l'enquête et décrivant les conditions tout aussi dangereuses auxquelles ils sont confrontés. On estime que 2,9 millions de travailleurs meurent chaque année des suites d'accidents du travail et de maladies professionnelles, soit près de 8000 par jour.

David North, président du comité de rédaction international du WSWS, a pris la parole vers la fin de la réunion et a résumé les questions centrales soulevées.

North a décrit comment les accidents du travail et les décès sont la conséquence inévitable du capitalisme. « Le terme “accident” est souvent utilisé, mais est-il approprié ? Si l’on traverse sa chambre et qu’on trébuche, cela peut être un accident. Mais lorsque nous sommes confrontés à des événements qui se produisent avec une régularité stupéfiante [...] il ne s'agit plus de simples accidents au sens conventionnel du terme. Nous assistons à la manifestation d’une nécessité.

« C'est le produit du système dans lequel nous vivons, non seulement dans ce pays, mais dans toutes les régions du monde. Notre vie sociale, notre vie économique, est organisée de manière à produire continuellement ces catastrophes, et celles-ci se poursuivront tant qu'on n'aura pas trouvé le moyen de mettre fin au système qui les engendre. »

Selon North, la seule façon d'y parvenir est que la classe ouvrière remplace le système capitaliste par le socialisme et gère la vie économique en fonction des besoins humains, et non du profit privé.

S'adressant aux plus jeunes membres de la famille Adams, il a conclu : « Faisons en sorte que le monde dans lequel vous grandissez soit un monde où de telles horreurs ne se produisent jamais. Lorsque vous serez plus âgés et que vous parlerez de ce qui est arrivé à votre grand-père ou à votre père, vous direz : “C'était comme ça autrefois, avant que la classe ouvrière ne se mobilise, ne comprenne ce qui se passait, ne change le monde et ne le rende digne d'être vécu.” C'est ce que nous cherchons à faire. »

La réunion s'est terminée par la présentation par Will Lehman d'une résolution appelant à la poursuite de l'enquête, à la formation de comités de base et au lancement d'une campagne mondiale pour défendre la vie des travailleurs. Un travailleur de Dundee s'est exprimé en faveur de cette résolution, déclarant : « Je suis prêt à prendre le risque, car cet homme n'est plus là. Je vous remercie de faire cela pour mon frère et sa famille. »

La résolution a été adoptée à l'unanimité.

Après coup, Chris, le fils de Ronald Adams, a déclaré : « Nous savons à quel point les entreprises et les gouvernements peuvent être corrompus pour étouffer des affaires. Nous avons besoin de justice. Nous voyons maintenant que ce n'est pas seulement notre famille, mais beaucoup d'autres familles qui ont vécu ce genre de situation. Cette audience et ce mouvement peuvent mettre en lumière cette question, non seulement ici, mais dans le monde entier, et rendre ce monde meilleur. »

Un autre membre de la famille a ajouté : « On pense qu'on est seul. En voyant toutes les personnes que nous avons vues aujourd'hui, on se rend compte que d'autres ont aussi leur mot à dire. »