L’administration Trump publie des milliers de documents sur l’assassinat de Martin Luther King Jr.

Le révérend Martin Luther King Jr. marche sur le balcon du Lorraine Motel à Memphis, le 3 avril 1968. [AP Photo/Charles Kelly]

Lundi dernier, l'administration Trump a publié près de 250 000 pages de documents fédéraux relatifs à l'assassinat de Martin Luther King Jr. en avril 1968, notamment sur la surveillance du défenseur des droits civiques par le FBI. La directrice du renseignement national, Tulsi Gabbard, a fait cette annonce par communiqué de presse, et les documents ont été mis à disposition sur le site web des Archives nationales. Cette collection contient des documents et des notes d'enquête du FBI, ainsi que des décennies de coupures de presse sur l'affaire, mais ne comprenaient pas les transcriptions des écoutes téléphoniques de King.

La publication des dossiers King, initialement scellés jusqu'en 2027, fait suite à celle de documents et dossiers relatifs à deux autres assassinats importants aux États-Unis dans les années 1960, ceux du président John F. Kennedy et de son frère Robert F. Kennedy. Tous ces dossiers ont été rendus publics en vertu d'un décret pris par Trump peu après le début de son second mandat en janvier dernier.

Les dossiers Kennedy et King contenaient très peu d'informations nouvelles. Le célèbre biographe de King, David Garrow, a déclaré, après avoir consulté les dossiers King : « Il n'y a rien de nouveau ni de notable dans ce qui a été publié hier ». Une grande partie des informations étaient dans le domaine public depuis des décennies. C'est précisément la raison pour laquelle Trump a accepté de divulguer ces dossiers, lui permettant de se présenter comme un défenseur de la « transparence » et de feindre une certaine sympathie pour ceux qui pensent que tous les assassinats de cette décennie, y compris celui de Malcolm X, étaient le fruit de conspirations au plus haut niveau.

Les deux enfants survivants de King, Bernice et Martin III, s'étaient opposés à la publication des dossiers. Ils se méfiaient manifestement de la tentative de Trump de manipuler l'affaire et ont publié une déclaration affirmant : « Bien que nous soutenions la transparence et la responsabilité historique, nous nous opposons à toute atteinte à l'héritage de notre père ou à toute tentative de l'instrumentaliser pour propager des mensonges. »

Ils ont demandé que les dossiers soient examinés «dans leur contexte historique complet» et ont ajouté un rappel que King avait été «la cible incessante d'une campagne de désinformation et de surveillance invasive, prédatrice et profondément troublante, orchestrée par J. Edgar Hoover par l'intermédiaire du Federal Bureau of Investigation (FBI)». Parmi les inquiétudes de la famille figurait la crainte d'un regain d'attention pour les relations extraconjugales bien établies de King, découvertes grâce à la surveillance du FBI et très probablement sensationnalisées dans les rapports rédigés par des agents qui cherchaient à répondre aux attentes de J. Edgar Hoover, dont le racisme et la haine pathologique envers King étaient bien connus.

Le décret [de publication] de Trump s'inscrivait parfaitement dans le cynisme et la démagogie caractéristiques de l’aspirant Führer de la Maison-Blanche, pour qui le « Grand Mensonge » est la norme. La ministre de la Justice Pam Bondi a déclaré sans sourciller : « Le peuple américain mérite des réponses, des décennies après l'assassinat horrible de l'un des plus grands dirigeants de notre nation. » Mais c'est son supérieur Trump qui a récemment accueilli des « réfugiés » afrikaners d'Afrique du Sud, qui a ordonné que les noms des « héros » confédérés [de la guerre civile] soient restitués à diverses bases militaires, et qui tente d’annuler le droit de vote et d'autres acquis du mouvement de masse pour les droits civiques.

De plus, les opinions politiques de King, celui que Bondi qualifie désormais de «grand leader », se situaient sensiblement à gauche de celles de l'actuel candidat démocrate à la mairie de New York, Zohran Mamdani, celui-là même que Trump qualifie de «fou communiste» presque quotidiennement depuis un mois. Il n'est pas très difficile de déduire la véritable opinion de Trump à l’égard de Martin Luther King.

Quant au moment précis choisi de la publication des dossiers King, il est sans aucun doute lié à la crise croissante à laquelle Trump est confronté concernant les demandes de publication des dossiers Epstein, notamment la liste des personnalités politiques et d’affaires qui ont bénéficié de l'opération criminelle de trafic sexuel de jeunes filles de Jeffrey Epstein. La publication des dossiers King apparaît comme une tentative maladroite de détourner l'attention des autres dossiers et de la probabilité croissante que le scandale Epstein, qui perdure, près de six ans après son «suicide» présumé dans une cellule de Manhattan, ne prenne Trump personnellement au piège.

Malgré les calculs cyniques de Trump, l’attention renouvelée portée à l’assassinat de Martin Luther King et à l’héritage du défenseur des droits civiques assassiné soulève d’importantes questions historiques.

James Earl Ray fut arrêté à Londres après une longue traque. Il plaida d'abord coupable, puis fut jugé, reconnu coupable et condamné à 99 ans de prison. Ray tenta plus tard de revenir sur son plaidoyer, affirmant avoir été piégé pour endosser la responsabilité du meurtre de King. La famille King, y compris Coretta Scott King avant sa mort, le crut. La famille souligna que l'enquête sur l'assassinat de King avait été menée par le même FBI, dirigé par Hoover, qui l'avait ciblé dans une campagne de diffamation et d'espionnage qui avait duré des années. Ils insistèrent pour que l'enquête soit approfondie et portèrent plainte pour faute ayant entraîné la mort, ce qui aboutit en 1999 à un verdict concluant que King avait été la victime d'un vaste complot, et non d'un tireur raciste isolé.

Cinquante-sept ans après le meurtre de Martin Luther King Jr., il est nécessaire non seulement de dénoncer la tentative obscène du fasciste Trump de tirer profit politiquement de sa mort, mais aussi de réaffirmer l’héritage de King et celui du mouvement qu’il a dirigé.

Au cours des trois années qui séparèrent les victoires législatives du mouvement de masse pour les droits civiques de la mort de King, sur fond d'escalade de la guerre du Vietnam et de rébellions dans les ghettos urbains à travers les États-Unis, King devint de plus en plus critique quant à ce qui avait été accompli et à ce qui restait à faire. En 1967, il dénonça la guerre du Vietnam, ce qui provoqua la colère de Lyndon Johnson et d'autres anciens «alliés» du Parti démocrate. King fut dénoncé par la rédaction du New York Times et d'autres médias. Dans ses discours sur le Vietnam, King souligna le lien entre la guerre à l'étranger et les atteintes aux droits démocratiques et aux conditions de vie aux États-Unis. Il ne tarda pas à préciser ce point en lançant la Campagne des pauvres.

Le Dr Martin Luther King Jr. s'adresse à une foule nombreuse depuis la chaire de la cathédrale nationale de Washington, DC, le 31 mars 1968. [AP Photo/John Rous]

Le voyage fatidique de King à Memphis fin mars 1968 s'inscrivait dans le cadre de son combat pour le développement de la Campagne des Pauvres, lancée à Washington et visant à attirer l'attention sur les problèmes de la pauvreté par des actions de désobéissance civile. La vision politique de King demeurait celle d'une réforme du capitalisme, mais ses actions évoquaient également la possibilité d'un mouvement de masse croissant au sein de la classe ouvrière, susceptible de représenter une menace bien plus grande pour le statu quo capitaliste.

Son objectif spécifique à Memphis était de soutenir la campagne de syndicalisation des éboueurs noirs de la ville. Les 1 300 travailleurs avaient entamé une grève après la mort atroce de deux ouvriers, Echol Cole et Robert Walker, écrasés dans un camion de collecte des déchets défectueux. Ces décès furent la goutte d'eau qui fit déborder le vase pour les éboueurs, à qui l’on payait des salaires de misère pour un travail éreintant, dans des conditions de sécurité effroyables, et sans heures supplémentaires rémunérées ni autres avantages.

Cinquante-sept ans plus tard, peu de choses ont changé sur les questions de guerre impérialiste, d'insécurité au travail et d'exploitation capitaliste, si ce n'est en pire. Les États-Unis ont récemment connu une vague de morts au travail, notamment celle de Ronald Adams Sr., ouvrier chevronné de l’automobile, écrasé en avril dernier dans une usine Stellantis du Michigan. Une mort tragique et évitable qui a conduit l'Alliance ouvrière internationale des comités de base à ouvrir une enquête de la base.

Les questions de la guerre, de l'aggravation constante des inégalités et du danger croissant du fascisme dans le monde rendent d'autant plus cruciale la nécessité de tirer les leçons du combat de Martin Luther King et de les appliquer aujourd'hui. Quelques années après sa mort, son insistance à lier les luttes pour les pleins droits démocratiques à celles contre la guerre et la pauvreté avait été écartée. Ce qui subsistait du mouvement officiel des droits civiques, présidé par des personnalités comme Jesse Jackson et Andrew Young – des gens opposés à, ou peu enthousiastes à l’égard de la Campagne des Pauvres et de la rupture de King avec l'establishment sur la question du Vietnam – a adopté la politique de la discrimination positive. Celle-ci s'est rapidement vue intégrée à tout l'édifice de la politique d’identité par laquelle la classe dirigeante, et en premier lieu le Parti démocrate, s'est employée, par le biais des politiques raciales, ethniques et de genre, à diviser la classe ouvrière et à lui faire payer la crise grandissante du capitalisme américain.

(Article paru en anglais le 26 juillet 2025)

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