Après avoir envoyé des lettres à une série de pays qui seront frappés par d’importants «tarifs réciproques» le 1er août, le président américain Trump a encore étendu sa guerre commerciale mondiale, annonçant de nouveaux produits devant être soumis à des tarifs fortement augmentés.
S'adressant aux journalistes avant une réunion de cabinet hier, Trump a déclaré : « Aujourd'hui, nous travaillons sur le cuivre », ajoutant qu'il s'attendait à l'imposition d'un droit de douane de 50 pour cent sur ce métal. Il a également évoqué une possible taxe de 200 pour cent sur les produits pharmaceutiques applicables d’ici 18 mois. D'autres produits devraient être fixés sur leur sort dans le cadre des enquêtes de « sécurité nationale » menées par son gouvernement.
Les tarifs sur des produits définis seront appliqués en vertu de l'article 232 de la Loi sur l'expansion du commerce de 1962, tandis que les tarifs réciproques généraux touchant les pays sont mis en œuvre en vertu de la Loi sur les pouvoirs économiques d'urgence internationaux, de 1977
Trump a déclaré que les sociétés pharmaceutiques disposeraient d'un an et demi pour « se mettre en conformité », mais qu'après cela, « elles seraient soumises à des droits de douane très élevés, de l'ordre de 200 pour cent. Nous leur accorderons un certain temps pour se ressaisir. »
Les droits de douane sur le cuivre seront imposés bien plus tôt. Dans une interview accordée à la chaîne d’affaires CNBC, le secrétaire au Commerce Howard Lutnick a déclaré qu'il s'attendait à ce qu'ils soient mis en place fin juillet ou début août.
La hausse des droits de douane sur le cuivre était attendue depuis un certain temps, mais pas au niveau annoncé par Trump. Les analystes de JPMorgan ont déclaré que le marché serait « surpris quant à la hausse du chiffre proposé », car ils avaient prévu une hausse de 25 pour cent pour les métaux raffinés.
Le cuivre est largement utilisé pour la tuyauterie dans la construction et l'industrie électronique. Le principal fournisseur des États-Unis est le Chili, suivi du Canada et du Mexique
Pierre Gratton, président de l'Association minière du Canada, a déclaré au Financial Times (FT) que des milliards de dollars de cuivre étaient expédiés aux États-Unis dans le cadre d'une industrie nord-américaine intégrée. Les États-Unis manquaient de capacités de raffinage et de fonderies, et les droits de douane élevés «nuiraient à l'industrie manufacturière américaine».
Ces affirmations sont corroborées par l'analyse des précédentes hausses tarifaires sur l'acier. Si l'on estime qu’entre 2018 et 2020 plusieurs milliers d'emplois ont été créés dans l'industrie sidérurgique, ce sont jusqu'à 75 000 emplois qui ont été perdus ou menacés dans d'autres secteurs comme l'automobile, la construction, les machines-outils, et le conditionnement des produits alimentaires et des boissons, en raison de la hausse des prix de l'acier.
Alors qu’il élargissait son front de la guerre tarifaire, Trump a insisté pour dire que la prolongation de la date limite pour l’imposition de tarifs réciproques du 9 juillet au 1er août serait la dernière.
Les tarifs, a-t-il déclaré dans un message sur les réseaux sociaux, commenceraient à être payés le 1er août. «Il n'y a eu aucun changement à cette date, et il n'y en aura pas.[…] Aucun délai ne sera accordé».
Alors que les pays les plus touchés par les tarifs douaniers – comme le Japon, la Corée du Sud, les nations d'Asie du Sud-Est ainsi qu'un certain nombre d'économies plus pauvres et plus petites – se démènent pour tenter de parvenir à un accord de dernière minute et atténuer leur impact, Trump lui, a clairement indiqué le contenu de ses soi-disant négociations.
Des lettres devant être envoyées à d’autres pays après les 14 délivrées lundi, il a déclaré: «Je veux juste que vous sachiez qu’une lettre signifie un accord.»
Les deux principales économies qui n’ont pas encore conclu d’«accord» sont l’Union européenne et l’Inde.
Trump a déclaré que même s'il y avait eu quelques progrès avec l'UE, l'opposition aux taxes européennes sur les entreprises technologiques américaines pourrait le conduire à annoncer un taux de taxes douanières dans les prochains jours.
Son gouvernement a déclaré qu'il était proche d'un accord avec l'Inde, mais que celle-ci serait toujours soumise à un tarif de 10 pour cent en raison de son appartenance au groupe des pays BRICS.
Ce groupe, composé à l’origine du Brésil, de la Russie, de l’Inde, de la Chine et de l’Afrique du Sud, et qui compte désormais 11 pays, est sous le feu des critiques de Trump en raison de ses efforts pour contourner le dollar dans le commerce international.
Les deux plus grandes économies industrielles touchées par l'annonce de lundi, la Corée du Sud et le Japon, la treizième et la quatrième économie mondiale, cherchent toujours à obtenir des concessions dans les trois prochaines semaines.
« Nous redoublerons d’efforts pour parvenir à un résultat mutuellement bénéfique pour les deux parties. Nous améliorerons les institutions et la réglementation nationales afin d’apaiser les inquiétudes des États-Unis», a déclaré le ministère sud-coréen du Commerce mardi.
La semaine dernière, le président sud-coréen nouvellement élu, Lee Jae Myung, a déclaré que les attentes des États-Unis n'étaient pas claires. Les deux pays avaient conclu un accord de libre-échange en 2012, qui avait supprimé la plupart des droits de douane sur les produits américains, ce qui laisse peu de marge de manœuvre face à Washington.
Le choc des droits de douane a été particulièrement marqué au Japon. Ce pays s'attendait à obtenir des concessions relativement facilement comme cela avait été le cas avec le premier gouvernement Trump.
Cela n'a cependant pas abouti, malgré sept cycles de négociations. La principale pierre d'achoppement a été l'insistance du Japon à supprimer les droits de douane sur les automobiles et son refus d'autoriser l'augmentation des exportations américaines de riz. Dépendant du soutien électoral des petits riziculteurs, le gouvernement du Parti libéral-démocrate, quelque peu instable, du Premier ministre Shigeru Ishiba, a déclaré qu'ils ne se laisserait pas sacrifier pur des concessions sur les voitures et les véhicules.
Cette position a désormais suscité l’opposition de secteurs clés de l’industrie.
Dans une interview accordée au FT, Takeshi Niinami, président de l'Association japonaise des dirigeants d'entreprise, a critiqué l'insistance du gouvernement à obtenir une exemption totale des mesures américaines.
«Ils ont sous-estimé la détermination de Trump», a-t-il déclaré. «Ils pensaient que le temps jouait en faveur du Japon. C'était une grave erreur.»
Le résultat a été que Tokyo s’est retrouvé sur une base plus faible et pourrait être obligé de conclure un accord.
Selon le compte rendu de l’interview du FT: «Niinami a déclaré que l'entêtement du Japon, dont le refus d'Ishiba de sacrifier les riziculteurs du pays pour protéger son industrie automobile, avait gaspillé l'héritage du défunt Premier ministre Shinzo Abe, qui entretenait des relations chaleureuses avec Trump pendant le premier mandat du président américain.»
Ses critiques ont été reprises par David Boling, directeur du commerce avec le Japon et l’Asie au groupe de réflexion Eurasia Group, et ex-responsable américain impliqué dans les négociations de 2020 avec le Japon.
«Le Japon a commis une grave erreur de calcul en adoptant la position maximaliste que les États-Unis devaient supprimer tous les droits de douane. Cette stratégie était illusoire», a-t-il déclaré au FT. Si le Japon voulait un accord d'ici le 1er août, a-t-il ajouté, il devait se montrer plus «pragmatique».
Alors que le conflit commercial se développe et bien que ses effets ne se fassent pas encore pleinement sentir, il commence déjà à avoir un impact significatif.
En mai, la valeur des exportations japonaises vers les États-Unis a chuté de 11 pour cent par rapport au même mois de l'année précédente. La valeur des équipements de transport, notamment des voitures et des pièces détachées automobiles, a diminué de 8,5 pour cent.
La Banque du Japon a réduit de moitié ses prévisions de croissance après ce qu'elle a qualifié de «niveau sans précédent» des tarifs douaniers imposés par les États-Unis, qui devraient coûter des milliards de dollars à l'industrie automobile.
En Corée du Sud, Samsung Electronics, la plus grande entreprise du pays, a annoncé une baisse de 56 pour cent de ses bénéfices au deuxième trimestre par rapport à l'année précédente. LG Electronics, un important exportateur, a quant à lui annoncé une baisse de 46,6 pour cent de ses bénéfices.
(Article paru en anglais le 9 juillet 2025)