La crise du dollar au centre des discussions de la réunion du FMI

Qu'advient-il du dollar américain ? Telle est la question qui a dominé les discussions entre les dirigeants du système financier mondial réunis à Washington la semaine dernière pour la réunion printanière du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale.

Un article de Colby Smith, paru dans le New York Times, a rendu compte de l'atmosphère qui régnait.

L'article commence par évoquer les propos tenus par le secrétaire au Trésor américain, Scott Bessent, devant un parterre de décideurs politiques, de régulateurs et d'investisseurs, au cours desquels il a tenté de les rassurer en leur jurant que les États-Unis voulaient un « dollar fort » et qu'ils voudraient le conserver.

L'objectif était d'apporter un « soulagement », selon l'article, après que « les violentes fluctuations des actions, coïncidant avec l'affaiblissement du dollar », et les mouvements des investisseurs abandonnant les obligations d'État américaines aient « suscité la panique ».

Billets de dollars américains [AP Photo/Mark Lennihan]

« Le fait que M. Bessent ait jugé nécessaire d'insister sur le message devant une foule aussi nombreuse souligne à quel point la situation est devenue précaire depuis le retour de M. Trump à la Maison-Blanche il y a moins de 100 jours. Ce qui se profile maintenant, ce sont des questions inconfortables sur ce qui se passera si la communauté internationale commence à perdre confiance dans le dollar et d'autres actifs américains. »

Selon Nathan Sheets, économiste en chef chez Citigroup : « Les gens envisagent des scénarios qui auraient été jugés impensables auparavant, et ils les envisagent de manière très sérieuse dans le cadre d'un plan d'urgence.»

Les régulateurs, les fonctionnaires et les investisseurs aimeraient croire que les turbulences actuelles ne sont qu'une phase passagère, que les choses vont se calmer et qu'il y aura un retour à la « normale » avant que les dégâts ne soient trop importants.

Mais une analyse historique montre que, quels que soient les hauts et les bas du marché au cours de la période à venir, un changement fondamental s'est produit.

La période de ce que l'on appelle l'ordre économique mondial se divise en deux phases : la période de 1945 à 1971 et celle de 1971 à aujourd'hui.

Au cours de la première période, le système financier international était fondé sur les accords de Bretton Woods de 1944, en vertu desquels le dollar, adossé à l'or au taux de 35 dollars l'once, était devenu la monnaie mondiale. Cet accord visait à mettre fin au chaos des années 1930, lorsque le système commercial s'était pratiquement effondré et que le monde avait été divisé en blocs rivaux.

Ce système a pris fin le 15 août 1971, lorsque le président Nixon a retiré la garantie-or du dollar dans des conditions où les États-Unis ne pouvaient plus honorer leurs engagements en raison du gonflement des déficits de leur balance des paiements et de leur balance commerciale. C'était le signe que la domination économique des États-Unis – fondement des accords de Bretton Woods – s'affaiblissait considérablement.

Après des turbulences financières majeures et une inflation galopante, le dollar a continué à fonctionner comme monnaie mondiale. Mais il l'a fait sur des bases totalement différentes.

Il n'était plus adossé à l'or, incarnation de la valeur réelle. Il s'agissait d'une monnaie fiduciaire reposant sur la confiance internationale dans la puissance financière de l'État américain. Ce système a eu des effets majeurs.

Libéré des contraintes imposées par son lien avec l'or, le dollar est devenu le centre d'un vaste système de crédit international qui s'est développé chaque année, le capital financier cherchant à s'approprier le profit par le biais d'opérations de marché.

Dans le cadre du système de Bretton Woods, les taux de change étaient fixes et, par conséquent, les flux de capitaux financiers américains et internationaux étaient soumis à d'importantes restrictions. Les États-Unis, le Royaume-Uni et d'autres grands gouvernements ont supprimé la quasi-totalité de leurs mesures réglementaires antérieures, dont beaucoup remontaient aux années 1930.

Ce système reposait sur la confiance dans le pouvoir financier de l'État américain. La confiance dans la stabilité de sa structure politique et dans l'État de droit n'était pas moins importante.

Aujourd'hui, elles sont toutes remises en question.

Mark Soble, président américain du Forum officiel des institutions monétaires et financières, a déclaré au Times : « Le rôle du dollar dans le système n'a pas été ordonné d'en haut. Il est le reflet des propriétés des États-Unis. »

Celles-ci comprenaient : une grande économie effectuant des transactions avec le reste du monde ; les marchés les plus profonds et les plus liquides du système financier ; une banque centrale crédible et l'État de droit.

Ces fondements ont volé en éclats ou sont à un stade avancé de désintégration.

La politique de l'administration Trump, dans les conditions d'une économie mondialisée, est fondée sur un nationalisme économique virulent. Avec des hausses tarifaires de 145 % sur la Chine, elle a placé un mur entre les États-Unis et la deuxième économie mondiale.

Et quel avenir pour les « transactions avec le reste du monde » quand celui-ci est considéré comme l'ennemi qui « arnaque » les États-Unis, comme le répète inlassablement Trump?

Et qu'en est-il des « marchés les plus profonds et les plus liquides »? Depuis la crise financière mondiale de 2008, déclenchée par l'activité spéculative des banques et institutions financières américaines, la stabilité du marché du Trésor américain, qui pèse aujourd'hui 29 000 milliards de dollars, est de plus en plus préoccupante.

En mars 2020, au début de la pandémie de COVID, le marché s'est figé. Pendant plusieurs jours, il n'y a pas eu d'acheteurs pour la dette du gouvernement américain, censée être l'actif financier le plus sûr au monde. Seule une intervention massive de la Réserve fédérale américaine, à hauteur de plusieurs milliers de milliards de dollars, a permis d'éviter un effondrement complet.

La crédibilité de la Fed, la banque centrale américaine, facteur clé de la stabilité nécessaire identifié par Sobel, a été remise en question avec les menaces de Trump de limoger son président, Jerome Powell. Trump est revenu sur cette menace, après avoir reçu des avertissements selon lesquels cette mesure aurait pour effet de mettre à mal le système financier, mais le mal est fait.

La question qui se pose désormais est de savoir qui Trump nommera à ce poste à l'expiration du mandat de Jerome Powell l'année prochaine. S'agira-t-il de quelqu'un qui maintiendra la soi-disant « indépendance » de la Fed – qu'elle adhère fermement aux exigences de la finance pour contenir l'inflation – ou de quelqu'un qui suivra la ligne de Trump, quelle qu'elle soit, au jour le jour ?

Quant à l'« État de droit », il est quotidiennement mis à mal par le président et ses partisans qui se déclarent au-dessus des lois, défient les décisions de justice et ont même commencé à arrêter des juges.

Dans la tourmente actuelle, qui a éclaté un mois après le « jour de la libération », lorsque Trump a déclenché sa guerre économique contre le monde, c'est le renversement d'une tendance établie de longue date qui a suscité le plus d'inquiétude dans les cercles financiers.

Les nombreuses tempêtes de la période écoulée – qui remonte à près de 40 ans, au krach boursier d'octobre 1987 – avaient été caractérisées par un mouvement vers le dollar américain et les actifs financiers américains, à la recherche d'un refuge sûr.

Ce n'est pas le cas aujourd'hui. On a plutôt assisté à une liquidation de la dette du Trésor américain, ce qui a entraîné une hausse des rendements, ou des taux d'intérêt – les deux évoluent en sens inverse – et le dollar a continué à chuter sur les marchés monétaires internationaux.

Un article publié sur The Hill par Vivekanand Jayakumara, professeur d'économie à l'université de Tampa, note que le « point de vue théorique » était que l'imposition de droits de douane par les États-Unis renforcerait le dollar.

Pour la première fois de mémoire d'homme, le dollar américain n'est pas la monnaie automatique de « fuite vers la sécurité », recherchée par les investisseurs du monde entier pendant les périodes de crise et dans les moments d'incertitude aiguë.

En fait, le sentiment dominant sur les marchés financiers est de « vendre États-Unis ».

Barry Eichengreen, historien de longue date et spécialiste du système monétaire international, a déclaré au Times qu'un « scénario désastreux est désormais sur la table ».

« Une fuite chaotique du dollar serait une crise. Tout à coup, le monde ne disposerait plus des liquidités internationales dont dépend la mondialisation du XXIe siècle. »

Et il n'y a pas d'autre monnaie qui puisse jouer le rôle international du dollar.

Isabelle Mateos y Lago, économiste en chef de BNP Paribas, a déclaré au Times que la recherche de « diversification » devait être réaliste car « les actifs de réserve, par définition, doivent être liquides ».

La Chine ne répond pas à ces critères, car elle ne dispose pas de marchés de capitaux profonds et liquides et sa monnaie ne circule pas librement. La Banque centrale européenne aimerait promouvoir l'euro, mais le montant des actifs libellés en euros « est dérisoire par rapport à celui des marchés de capitaux américains ».

Mais après avoir fait ces observations justes, elle a poursuivi en déclarant : « Un système multipolaire peut tout à fait fonctionner. »

Cette affirmation ne semble reposer sur rien d'autre que sur l'hypothèse de « bon sens » selon laquelle si les États-Unis ne peuvent plus jouer le rôle de monnaie de réserve internationale, la sécurité réside dans un plus grand nombre de pays.

Démontrant l'inutilité du « bon sens » face aux contradictions du système capitaliste, l'évaluation d'un monde multipolaire ignore à la fois la réalité actuelle et l'histoire.

Les États-Unis considèrent le maintien de la suprématie du dollar comme une question existentielle parce qu'elle permet à l'État de s'endetter massivement à la fois pour soutenir son économie et pour financer sa vaste machine de guerre.

Lors de la campagne électorale, Trump a déclaré que perdre le dollar équivaudrait à perdre une guerre et, depuis son arrivée au pouvoir, il a déclaré que tout effort de la part du groupe des pays BRICS pour élaborer une alternative, avec d'autres pays, ferait l'objet de représailles de la part des États-Unis.

Les leçons de l'histoire sont également ignorées. Il y a déjà eu un monde multipolaire dans le passé. Dans les années 1930, il n'existait pas de moyen de paiement international universellement reconnu, hormis l'or, et le monde s'est fracturé en blocs rivaux, ce qui a joué un rôle non négligeable dans la création des conditions de la Deuxième Guerre mondiale.

Aujourd'hui, un monde multipolaire reproduirait ces conditions sous une forme encore plus explosive.

Et tout retour à l'or, qui a atteint des niveaux record, jusqu'à 3500 dollars l'once, signifierait l'effondrement de la montagne d'actifs financiers et de crédits basée sur le dollar américain, et conduirait à une dépression mondiale.

Cette question s'est déjà posée par le passé. En 1971, Nixon était conscient que le seul moyen de maintenir le dollar américain adossé à l'or était de plonger l'économie américaine et mondiale dans une profonde récession. Il a refusé cette solution en raison de la recrudescence de la lutte des classes et de la menace de révolution sociale qu'elle aurait entraînée.

La crise actuelle n'est pas seulement le produit de la folie de Donald Trump. Trump incarne de manière maligne des tendances et des contradictions qui s'accumulent depuis des décennies. La crise du dollar et du système financier qui repose sur lui est une crise de l'ensemble du système capitaliste qui n'a pas d'issue, à moins que la guerre, le fascisme, la dépression et la dévastation sociale ne soient considérés comme une solution.

Face à cette rupture historique, qui n'est pas un nuage menaçant à l'horizon mais la réalité actuelle, la classe ouvrière internationale doit adopter sa propre stratégie socialiste indépendante. C'est ce qui sera au centre du rassemblement international du Premier mai qui se tiendra ce samedi.

(Article paru en anglais le 30 avril 2025)

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