Élections fédérales canadiennes:

Le Bloc Québécois mène une campagne basée sur le chauvinisme et le militarisme

La campagne pour les élections fédérales canadiennes du 28 avril a été dominée par la guerre commerciale lancée par Donald Trump et sa volonté affichée d’annexer le Canada par la «force économique».

La classe dirigeante cherche à exploiter la colère et l’angoisse de la population face à l’aspirant-dictateur américain pour accentuer le tournant de la politique canadienne vers la droite.

Invoquant la nécessité de défendre l'économie et la souveraineté du Canada, la classe politique prépare le terrain en vue d’imposer des mesures inspirées de Trump: énormes réductions des dépenses sociales, élimination des contraintes environnementales et réglementaires sur le capital, réduction des impôts sur les grandes entreprises et les riches, et vaste augmentation des dépenses militaires.

Troisième parti en importance du parlement sortant, le Bloc Québécois (BQ) ne fait pas exception à ce tournant vers la droite. Son chef Yves-François Blanchet a basé toute sa campagne sur le nationalisme québécois afin de camoufler le soutien de son parti aux plans de guerre et aux attaques brutales contre les droits démocratiques des travailleurs que prépare la classe dirigeante.

Le caractère résolument propatronal de sa plateforme politique 2025 «Choisir le Québec» montre une fois de plus que le BQ est un parti de droite qui ne parle pas au nom «des Québécois» comme il le prétend. Il représente plutôt une section de la classe dirigeante québécoise qui estime que ses intérêts économiques seraient mieux servis si la province disposait de plus de pouvoirs au sein de la fédération canadienne ou si elle formait une république capitaliste indépendante.

Sur la question des tarifs de Trump, le BQ accuse les autres partis de planifier un accord avec Trump qui favoriserait les industries de l’automobile de l’Ontario et du pétrole de l’Ouest canadien au détriment des «intérêts» du Québec. Le BQ exige que le gouvernement du Québec puisse nommer des négociateurs au sein de la délégation qui discutera avec Washington des tarifs et d’une renégociation de l’ACEUM (Accord Canada-États-Unis-Mexique) afin que toute entente favorise les «secteurs-clés» de l’économie québécoise.

Autrement dit, le Bloc et le mouvement souverainiste québécois adoptent la même approche que le reste de la classe dirigeante canadienne: chercher à convaincre Washington d’intégrer le Canada et le Québec à la «Forteresse nord-américaine» de Trump en tant que partenaires à part entière.

Le BQ a appliqué une mince couche de vernis progressiste sur son programme électoral: comme à chaque élection, il promet quelques vagues et insuffisantes réformes sociales (plus d’argent en santé, augmentation de la pension de vieillesse et des investissements pour réduire la crise de l’itinérance) qu’il n’a aucune chance, pas plus qu’il n’a l’intention, de mettre en œuvre.

Pour le reste, son programme est indissociable de celui de François Legault, le Premier ministre du Québec qui, à la tête de sa Coalition avenir Québec (CAQ), sert les intérêts de la grande entreprise depuis son élection en 2018. Un ex-PDG multimillionnaire, Legault a récemment déposé le projet de loi 89 qui vise à réduire le droit de grève des travailleurs québécois à néant.

Des travailleurs de Postes Canada sur le piquet de grève à Niagara-on-the-Lake, Ontario, en novembre 2024. Suivant les traces du gouvernement fédéral qui a illégalisé cette grève, le gouvernement du Québec s’arroge le droit de mettre fin à toute grève par simple avis.

Nullement troublé par cette attaque frontale contre la classe ouvrière, Blanchet a déclaré qu’il appuyait toutes les demandes faites par François Legault aux partis politiques fédéraux dans le cadre de la campagne électorale. Dans les dernières années, Blanchet a souvent vanté ses «affinités» avec Legault.

La principale demande de Legault est une réduction additionnelle du nombre d’immigrants temporaires. Le BQ va encore plus loin en exigeant que le fédéral cède au Québec tous les pouvoirs en immigration, en promettant d’agir pour «encadrer» les demandes d’asile et en proposant le «resserrement» de la frontière canado-américaine notamment par l’embauche massive de milliers d’agents de l’ASFC (Agence des services frontaliers du Canada) et de policiers de la GRC (Gendarmerie royale du Canada).

Ces appels à davantage de policiers s’insèrent dans un programme réactionnaire «de la loi et de l’ordre» qui comprend aussi l’ajout de peines minimales pour certains crimes, la facilitation de la preuve de certains crimes et la création d’une liste de crimes «trop graves» pour que l’accusé bénéficie d’un arrêt des procédures lorsque l’État viole son droit constitutionnel d’être jugé dans un délai raisonnable. Par le passé, le BQ a souvent formé des alliances avec le Parti conservateur du Canada (PCC) pour avancer des mesures réactionnaires de répression du crime.

Les mesures contre l’immigration du BQ et le discours qui les entoure sont tout droit sortis de la campagne chauvine anti-immigrants que toute la classe politique québécoise mène depuis plusieurs années. Inspiré par le tabloïd de droite le Journal de Montréal et par le Parti Québécois, le parti frère du BQ au niveau provincial, l’ensemble de l’élite dirigeante a adopté le discours de l’extrême droite, rejette la faute de la crise sociale – causée par le système capitaliste en crise terminale – sur les immigrants et réclame des mesures similaires à celles de la «Forteresse Europe» où des milliers de migrants meurent chaque année.

Cette agitation anti-immigrants trouve ses origines en 2007 dans le «débat» au sujet des soi-disant «accommodements raisonnables» offerts aux minorités sur les lieux de travail. Avec la complicité de tout l’establishment politique, y compris le parti de la pseudo-gauche Québec Solidaire, cette question insignifiante a été instrumentalisée et transformée en campagne chauvine pour détourner l’attention des politiques d’austérité capitaliste impopulaires et diviser la classe ouvrière sur des lignes ethniques, religieuses et linguistiques.

Depuis son arrivée au pouvoir, la CAQ a intensifié les efforts de la classe dirigeante en adoptant une série de lois discriminatoires, incluant la Loi 21 qui porte atteinte aux droits des femmes musulmanes au nom de la «laïcité de l’État» et la Loi 96 qui élargit la Charte de la langue française aux dépens des droits des communautés anglophone et allophone. En février, la CAQ a déposé un nouveau projet de loi pour élargir considérablement les obligations de laïcité dans le réseau de l’éducation.

Toutes ces lois ont été adoptées avec une clause de dérogation qui empêche les tribunaux d’intervenir et de les invalider malgré qu’elles violent de façon flagrante les droits et libertés prévus dans la constitution canadienne, une pratique antidémocratique défendue par le BQ au nom de la protection des soi-disant «valeurs québécoises».

Le BQ a aussi fait la promotion de la Loi 21 en proposant qu’elle soit appliquée aux employés de l’État fédéral qui travaillent au Québec et en promettant d’encadrer la prière dans les lieux qui relèvent de la compétence fédérale.

Une manifestation contre la Loi 21 [Photo: McGill Students Union/Twitter ]

La nature frauduleuse de la façade progressiste du BQ est aussi mise en lumière par sa défense de l’impérialisme canadien et son appui sans réserve au militarisme.

Le BQ et les nationalistes québécois ont toujours supporté les interventions impérialistes du Canada et sa participation aux guerres menées par les États-Unis à travers le monde. Le BQ a notamment décrit la participation de l’armée canadienne à la guerre néocoloniale en Afghanistan comme une «cause noble».

Le BQ joue aussi un rôle démesuré dans les provocations contre la Chine et il s’est allié à plusieurs reprises aux conservateurs pour dénoncer l’attitude supposément trop conciliante de l’ex-Premier ministre libéral canadien, Justin Trudeau, à l’égard de Pékin, alors même que son gouvernement s’était pleinement intégré dans la campagne belliqueuse de Washington contre son «rival stratégique». Le Bloc a aussi appuyé le réarmement massif mis en œuvre par le gouvernement Trudeau et son soutien à l’Ukraine dans la guerre par procuration de l’OTAN contre la Russie.

Dans la section «Jouer un nouveau rôle mondial» de sa plateforme électorale, le BQ s’engage à continuer ces politiques militaristes: soutien à «la cible minimale de 2% du PIB» en matière de dépenses militaires d’ici 2030, renforcement des partenariats du Canada avec ses alliés d’Europe «dont l’Ukraine» et réaffirmation de sa «souveraineté territoriale dans l’Arctique».

Faisant écho à Legault qui a fait la promotion de l’industrie militaire québécoise lors d’un récent voyage en Allemagne, le BQ demande que le militarisme canadien profite financièrement à la bourgeoisie québécoise et que le réarmement se fasse «en misant sur la technologie québécoise».

De la même façon, la posture pro-environnementale du BQ, basée sur des dénonciations hypocrites de l’industrie du pétrole des provinces de l’Ouest dont la grande entreprise québécoise profite peu, vise à renforcer la position du capital québécois pour qu’il puisse tirer avantage du lucratif marché du «capitalisme vert» et des nouvelles technologies. C’est pourquoi le BQ demande une augmentation massive des subventions fédérales aux entreprises qui exploitent au Québec des minéraux critiques et celles de la «filière batterie», sous le slogan cynique de «Choisir les minéraux critiques du Québec, pas l’énergie sale de l’Ouest».

De façon très révélatrice, la plateforme du BQ ne contient aucune mention du génocide des Palestiniens par Israël et Blanchet n’a fait aucune référence à ce monstrueux crime durant la campagne. Au début de l’assaut contre Gaza, le BQ a refusé pendant des semaines de parler de cessez-le-feu, demandant plutôt une «trêve humanitaire» avant de modifier sa position devant l’opposition populaire et réclamer un cessez-le-feu imposé par une «force militaire internationale» de l’OTAN, une organisation militaire qui a provoqué et mène la guerre contre la Russie en Ukraine et qui joue un rôle de premier plan pour soutenir Israël militairement.

Les travailleurs québécois qui entrent en lutte contre le programme réactionnaire d’austérité et de guerre des classes dirigeantes canadienne et québécoise doivent rejeter toutes les formes de chauvinisme et de nationalisme et se tourner vers leurs plus puissants alliés, les travailleurs du Canada, des États-Unis et d’outremer.

Comme l’explique le Parti de l’égalité socialiste (Canada) dans une déclaration publiée à l’occasion des élections fédérales:

Cette perspective, fondée sur les intérêts de classe communs des travailleurs du monde entier, est la seule réponse viable à l'effondrement du capitalisme. Chaque problème auquel l'humanité est confrontée, de la guerre à la catastrophe climatique, en passant par les pandémies et la ressuscitation du fascisme par la bourgeoisie, a une portée mondiale et ne peut être résolu que par un mouvement uni de la classe ouvrière internationale pour mettre fin au capitalisme.

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